All blog posts must belongs to this category.

Communiquer sur la RSE, un cran au dessus

Communiquer la RSE : perspectives et pratiques

L’ouvrage Communicating Corporate Social Responsability: Perspectives and Practice, est dirigé par Ralph Tench, William Sun et Brian Jones. Publié cette année aux Editions Emerald, il s’agit du volume 6 d’une collection « Critical studies on Corporate Responsability, Governance and Sustainability ». ce volume de 430 pages est à ranger aussitôt dans les tous meilleurs ouvrages relatifs à la communication RSE.

Composé de dix-huit chapitres rédigés par des auteurs différents, il conjugue la réflexion originale tout en apportant un très grand nombre de réponses issues de recherches en laboratoires.

Situé au croisement de plusieurs disciplines et bien sûr de celle de la communication et de la RSE, la communication RSE est un domaine qui reste mal perçu et qui demeure en construction ne serait-ce qu’en raison de la difficulté d’une définition partagée de la RSE.

Dans son chapitre « Corporate social responsability communication : towards a phase model of strategic planning », Bernd Lorenz Walter distingue :

  • La communication sur la RSE, la RSE comme objet de communication,
  • La communication comme partie intégrante de la RSE, dans laquelle il intègre l’écoute des parties prenantes. « Trop souvent la communication fournit des réponses aux questions que personne ne pose, et ne répond pas aux questions qui sont posées. » (p. 63),
  • La communication responsable qui concerne les impacts, notamment éthiques, de la communication,
  • La communication relative à des produit ou services responsables.

Magnus Fredriksson et Eva-Karin Olsson proposent un modèle d’analyse des discours RSE basé sur leur fréquence, leur étendue et le contexte. Après avoir analysé vingt rapports annuels d’entreprises suédoises, ils observent que « Deux aspects dominent l’information environnementale : qu’avons-nous fait et quand l’avons-nous fait. » A l’inverse, très peu d’informations sont fournies sur les motivations des actions réalisées et le but poursuivi.

Cela rejoint l’étude d’Adrian Zicari sur les tentatives d’harmonisation des référentiels (IIRC, Iso 26000, le Global Compact, GRI) pointant la nécessaire flexibilité des indicateurs en fonction du contexte dans lequel se situent les entreprises et indiquant l’intérêt d’informer également sur les mauvaises nouvelles et les risques.

Tineke Lambooy, Rosemarie Hordijk et Willem Bijveld, dans le chapitre « Communiquer sur l’intégration de la durabilité dans la stratégie corporate », plaident pour la réalisation d’un rapport annuel unique permettant de ne pas déconnecter les enjeux RSE des autres enjeux, notamment financiers, de l’entreprise. Selon eux, dans un rapport intégré, « Il y a davantage d’information compréhensible en lien direct avec la stratégie de l’entreprise » (p. 225). Ils demandent à ce que l’Europe harmonise les législations nationales sur le sujet.

Dans son étude sur la responsabilité des réseaux sociaux Facebook, Twitter et Google, Theresa Bauer montre bien la difficulté d’une approche globale. Alors que les réseaux sociaux peuvent offrir des plates-formes pour des réseaux activistes, ils procurent également une confidentialité insuffisante des données.

L’étude de Sarah Inauen et Dennis Schoeneborn sur les usages de Twitter par les multinationales et les ONG est véritablement passionnante. Après avoir étudié 3.000 Tweets de trente multinationales et de trente ONG, les auteurs concluent à la quasi-absence de distinction. ONG et multinationales utilisent Twitter de la même manière, c’est-à-dire pour diffuser de l’information de manière unilatérale et donc en échouant à utiliser les possibilités de dialogue offertes par ce réseau social : « En termes de degré d’interactivité, ONG et multinationales utilisent Twitter d’une manière suprenamment similaire» (p. 303).

L’article de Guido Berens et Wybe T. Popma, « Créer la confiance du consommateur dans la communication RSE » est une mine d’or. Les auteurs passent en revue un grand nombre d’études sur le sujet. J’y ai appris que :

  • Des allégations précises (comme 100 % biodégradable) procurent de meilleures perceptions que des engagements généraux (comme Earth friendly).
  • Lorsqu’une allégation générale (exemple : Ozone friendly) est couplée avec une allégation spécifique (no CFC), l’effet est encore plus important.
  • Une allégation qui valorise le consommateur procure plus d’effet qu’une allégation relative à la RSE du produit.
  • Une marque voulant convaincre de sa RSE doit d’abord convaincre de la qualité du produit. Le consommateur ne sacrifie pas la qualité contre la RSE.
  • Dans certains cas, axer la consommation sur la RSE du produit peut entraîner une baisse de la perception de la qualité de ce produit.
  • La communication sur les actions réalisées et les impacts a plus d’efficacité que celle sur les engagements et les programmes.
  • Lorsqu’une entreprise communique sur ses actions sans évoquer ses produits, cela n’a pas d’impact sur les intentions d’achat.
  • Les consommateurs préfèrent des labels relatifs à des actions uniques plutôt que des labels généraux (mais ce sujet est controversé).
  • Les informations RSE sous forme de code couleur (rouge/orange/vert) sont plus efficaces que sous forme numérique
  • Les consommateurs n’exprimant pas d’intérêt environnementaux sont plus sensibilisés par des labels négatifs que positifs.
  • Lorsqu’une source indépendante valide la démarche RSE, cela entraîne des effets positifs sur l’image de l’entreprise, mais cela peut impliquer la vision d’une simple action de communication.
  • Lorsqu’une entreprise a beaucoup communiqué sur la RSE, le fait d’apprendre par les médias des informations négatives à son égard sur le sujet entraîne une perception plus négative que si l’entreprise n’avait pas communiqué sur la RSE.
  • Cet effet boomerang ne fonctionne pas lorsque le consommateur s’est déjà forgé l’opinion que l’entreprise aurait une réelle démarche RSE.

Ces deux auteurs concluent par une intéressante réflexion sur les approches de la communication RSE en termes soit déontologiques (l’obligation morale de l’entreprise), soit conséquentialistes (les impacts des activités de l’entreprise). En termes de communication, il n’est pas totalement clair de savoir si le consommateur recherche « une bonne entreprise » (déontologie) ou « un bon produit » (conséquentialisme). L’ensemble des études inclinent toutefois à pencher pour le second.

Un livre indispensable à tous ceux qui s’intéressent à la communication responsable.

Sur le même sujet et sur ce même blog, voir ma critique du livre de Timothy Coombs, cf lien ici: Communiquer sur la RSE, synthèse du livre de T Coombs.

et celle relative au mythe du consommateur éthique: Le mythe du consommateur éthique

En 2011, la revue « Recherches en Communication » a consacré son dossier à la communication environnementale, j’en avais co rédigé l’introduction: Communication & Environnement, actes du colloque « Communicating green ».

Par ailleurs, le N° de Juillet 2014 de la revue « Journal for communicating studies » est également consacré à la communication environnementale. La présentation de ce N° est accessible ici: N° Communication & Environnement du Journal for Communicating Studies

Obsolescence programmée, où en sommes nous?

Quelques nouvelles récentes relatives à la lutte contre l’Obsolescence programmée

Après le vote le 13 février de la loi Hamon qui consacre 2 points relatifs à la lutte contre l’Obsolescence programmée (passage de la garantie de 6 mois à 2 ans et obligation d’informer le consommateur sur la disponibilité des pièces de rechange), voici quelques éléments relatifs au travail entrepris à l’échelle européenne.

1) Après la session plénière du Comité Economique et Social Européen qui avait voté le 17 octobre 2013 (174 votes Pour, 1 voix contre et 5 abstentions) l’avis dont j’étais le rapporteur sur la lutte contre l’obsolescence programmée vient d’être publié (6 mars) au Journal Officiel de l’Union Européenne.
L’avis officiel est consultable sur le site du JO de l’UE: http://goo.gl/sdf3Je

2) Une nouvelle grande audition Publique sur le sujet aura lieu à Bruxelles le 17 octobre prochain (siège du Comité Eco & soc Européen).

3) J’aurais à nouveau l’occasion de présenter l’avis européen lors de la semaine du développement durable (le 4 avril à l’Université Paris IV) puis lors des premieres assises de l’Economie circulaire, le 17 juin à Paris.
Le programme : http://www.institut-economie-circulaire.fr/agenda/1eres-Assises-de-l-economie-circulaire_ae265702.html

4) Une journée de travail sera organisée début juin (date non encore fixée) à Madrid sur les relations entre les thèmes de l’économie collaborative et la lutte contre l’Obsolescence programmée. J’y participerais.

5) La Louvain School of Management (Belgique) a lancé un programme de recherche sur l’efficacité d’un étiquetage différencié indiquant la durée de vie (ou d’utilisation des produits) afin de tester le changement de comportement des consommateurs face à la connaissance de la durée et son arbitrage durée/prix du produit. Les premiers résultats seront présentés lors de la journée du 17 octobre prochain au siège du Comité Eco & Soc Européen. Je trouverais excellent le fait que les Institutions françaises puissent également s’intéresser à ce sujet en lançant un programme d’études. Cela permettrait d’y voir un peu plus clair sur ce dossier.

6) J’ai eu l’occasion de rencontrer des representants de l’AFNOR qui réfléchit actuellement à un label « Obsolescence programmée« , cette certification (pour le moment, il ne s’agirait pas d’une norme) prendrait en compte 3 critères: une garantie supérieure à la durée de garantie légale, la disponibilité des pièces de rechange, l’information du consommateur. Tout ceci est excellent.

7) Je mets en lien, l’avis du CESE contenant l’executive summary. http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.publications.30485

A l’origine de la publicité moderne

Les réseaux sociaux révolutionnent la communication, laissez moi rire

J’ai toujours aimé me promener dans les grandes bibliothèques et me perdre dans les vieux rayonnages. De ce point de vue, les bibliothèques de l’Université catholique de Louvain sont assez extraordinaires avec leurs fonds de vieux livres totalement introuvables ailleurs.

C’est ainsi qu’à mon dernier passage, j’ai emprunté les mémoires de Marcel Bleustein-Blanchet, Mémoires d’un lion. Bonne pioche. Cet ouvrage, rédigé à 81 ans, retrace la vie du fondateur de Publicis et l’émergence de la publicité en France au travers de l’agence créée dans un modeste deux-pièces cuisine à Paris en 1927. J’ai ainsi appris que :

  • Le sujet de la régulation publicitaire ne date pas d’hier. Dès la création de son agence, l’auteur note « Il va falloir se battre pour nettoyer cette profession. Elle n’a pas de règles. Elle n’a pas de structures, aucun organisme pour veiller au respect de la déontologie. »
  • L’argument économique est également ancien. La publicité « crée la richesse dont elle a elle-même besoin pour se développer. »
  • L’auteur est à l’origine de la création, en 1934, de la Fédération de la publicité « condition nécessaire sinon suffisante d’une prise de conscience interprofessionnelle débouchant sur une déontologie. » Cela fait donc, en 2014, 80 ans qu’existe l’union professionnelle de la publicité. (L’AACC prépare-t-elle une commémoration ?)

 La radio, un nouvel outil qui va révolutionner la communication, il permet l’instantanéité. 

  • Le lancement de la radio a fait l’effet d’une révolution. Après avoir créé Radio Cité en 1935, Marcel Bleustein-Blanchet écrit « Désormais, les nouvelles vont si vite, grâce à la radio, que les hiérarchies s’annulent et nous entrons dans un monde où le public, c’est-à-dire le peuple, sera informé en même temps que les puissants » (p. 80). Intéressant de relire cela, car on retrouve le même argument actuellement pour les réseaux sociaux !
  • Sa définition de relations publiques : technique « qui vise à créer autour de la marque ou de l’entreprise un climat favorable, en nouant avec les consommateurs des contacts placés sous le signe de la sympathie » (p. 162).
  • Il a réalisé le premier sondage d’opinion politique, pour Mendès-France en 1954, lancé les premiers publi-reportages en 1957 et cette même année, participé avec Charles-Pierre Guillebeau à la création de ce qui deviendra le CELSA en 1965.
  • A l’époque (1968) où les dirigeants d’entreprise étaient moins connus, il a organisé une table ronde des actionnaires de Saint-Gobain à laquelle son patron « assistait incognito, son identité n’étant révélée qu’à la fin ». C’est pour Saint-Gobain qu’il a organisé ce qui apparaît comme la première grande communication financière de crise, au moment de l’OPA de BSN, et les premières journées portes-ouvertes.
  • J’y ai aussi retrouvé la métaphore de l’orchestre : la communication d’entreprise, c’est comme un orchestre où tous les instruments tiennent leur place et doivent intervenir au bon moment.
  • J’ai été étonné aussi de constater que tous les grands budgets qu’il a pu obtenir résultaient de contacts personnels, la plupart du temps suite à un dîner avec un grand dirigeant. Le temps des appels d’offres transparents et équilibrés n’était pas encore en place.

Ce livre passionnant relate également le parcours de l’individu dans son époque, son rôle dans la résistance, dans le retour du Général de Gaulle au pouvoir en 1958 et plein de petites anecdotes.

Il est toujours bon de se plonger dans ce type d’ouvrages pour prendre un peu de recul sur les évolutions actuelles de la communication.

Bonne année 2014

La période des vœux est une phase un peu compliquée où nous sommes parfois tiraillés entre le désir d’écrire à l’ensemble de nos contacts un petit mot personnalisé et la propension à adresser un message le plus court possible « Bonne année à toi » de manière indifférenciée et en un clic à l’ensemble de notre carnet d’adresses, ce que j’ai’ai toujours considéré un peu détestable en raison de la connotation « Voilà une bonne corvée rapidement effectuée ».

De mon côté, j’ai tranché ce dilemme par un message long mais anonyme (ce qui n’empêche pas quelques rencontres directes, fort heureusement).

Sur le modèle d’un bon collègue universitaire, je propose, en guise de vœux, de faire partager mes belles découvertes de l’année 2013 afin de vous suggérer quelques pistes pouvant vous intéresser, la plupart étant toujours disponibles.

I – Lecture
Mon coup de cœur aura été le tome II du Journal d’Edgar Morin (paru en 2012). Près de 1.300 pages d’un journal qui couvre la période 1992-2010. C’est intelligent, stimulant, parfois drôle ou émouvant et toujours d’une humilité rare.

J’ai apprécié la biographie d’André Gide par Frank Lestringant (tome 1, 1.164 pages, paru en 2011). La découverte d’un pilier de la vie intellectuelle de la première moitié du 20ème siècle fut passionnante de bout en bout, et ce en dépit d’un personnage complexe et d’une œuvre avec laquelle je me sens peu d’affinités.

J’ai enfin, dans mon top 3, bien apprécié le journal de bord de Frédéric Mitterrand La récréation (Robert Laffont, 720 pages, 2013). Sous l’aspect anecdotique et l’apparente légèreté, c’est le premier journal de bord politique qui semble vraiment sincère, avec de belles considérations sur le contexte culturel français et les faibles marges de manœuvre du pouvoir politique.

L’ensemble de mes lectures de livres parus en 2013 est ici sur ce site en rubrique « étudiants » puis « nouveautés 2013 »

II – Voyage…
Pas de grand voyage cette année en dehors de quelques jours en Nouvelle Calédonie à l’occasion d’un colloque. Les traditionnelles ballades dans les Alpes ou sur la côte bretonne apportent toujours autant de plaisir. J’ai découvert avec plaisir la place de Salamanque en Espagne, les châteaux de Blenheim et d’Hampton Court en Angleterre, j’ai adoré Edimbourg et été déçu par le Louvre Lens.
III – Expositions
Mon coup de cœur de l’année ira aux expositions lilloises. Je trouve que la ville a admirablement réussi sa mutation en réutilisant des lieux industriels pour en faire des lieux d’exposition comme le Tri postal, le Musée de la photographie ou la gare Saint-Sauveur.Mes expos préférées ont été en photos Genesis de Sebastiao Salgado à la Maison Européenne de la Photographie (Paris), Raymond Depardon au Grand Palais et Harry Gruyaert au Botanic (Bruxelles), en généraliste l’exposition sur la séduction dans le monde animal au Palais de la Découverte et l’exposition Marcel Gotlib à Saint-Malo, et en peinture l’exposition Paul Klee à la Tate Modern (Londres).
IV – Films
Pas de super coups de cœur cette année, mais beaucoup de bons films comme « Heimat »,« Frances Ha », la trilogie Bill Douglas, « Gravity », « Sugar Man » et « a touch of sin ». Par contre, je n’ai pas apprécié du tout « La vie d’Adèle » et j’ai été déçu par « Inside Llewyn Davis ».
V – Musique

Première année sans concert (Ah, vieillesse !), mais de belles découvertes de groupes comme Specter At The Feast que j’ai énormément écouté cette année, mais aussi le dernier Neil Young, Balthazar, Woven Hand, Girls in Hawaï et le dernier Arcade Fire.

VI – Théâtre

Ayant pris un abonnement au Théâtre du Rond-Point, je me suis parfois régalé avec des spectacles comme « J’avais un beau ballon rouge » avec Richard et Romane Bohringer, parfois été surpris avec « Cabaret New Burlesque », « Anna » ou « El Tigre ». En tout cas, une bonne décision et un théâtre bien innovant.

J’ai’ai adoré « La vie est une géniale improvisation », lecture de lettres de Jankélévitch au théâtre des Mathurins et « La tragédie d’Hamlet » à la Comédie Française.

VII – Série TV
J’ai adoré la série « The Wire » qui retrace la vie de policiers à Baltimore (7 saisons), c’est une série bien construite à mi-chemin entre le polar et la communication politique.
VIII – Mes coups de gueule de l’année

• Mon coup de gueule d’or
Il est adressé aux passagers du métro parisien. Qu’on remplace les livres par des tablettes passe encore, mais qu’on se serve de tablettes pour s’abêtir en jouant à Candy Crush, je m’insurge ! On nous offre des objets électroniques aux multiples possibilités, et tout ce qu’qu’on trouve à faire de mieux, c’est Candy Crush. Peuple de France, relève la tête (je sais, c’est un peu réactionnaire).

• Mon coup de gueule d’argent
Assez horripilants tous ces gens à qui je propose de m’accompagner voir des expositions, films ou autres et qui me répondent « Non, tu sais, moi je n’ai’ai vraiment pas le temps. » Le pire n’est pas qu’qu’ils n’aient pas le temps, ce que je peux comprendre, c’est l’accent de satisfaction porté à cette absence de temps, comme si le fait de ne pas avoir de temps était en soi positif.

• Mon coup de gueule de bronze
Contre tous ces livres « Les 1.000 lieux à voir dans sa vie », « Les 10 musées à connaître », « Les 100 restaurants à découvrir absolument ». La vie conçue comme une suite de lieux à découvrir ou pire comme une liste de tâches à effectuer.

IX – Ma découverte insolite

Et oui, la Belgique produit aussi du whisky, et de plus il est excellent, en l’occurrence le Goldlys.

X – Ma petite pierre à l’édification d’un monde meilleur

Le 17 octobre aura été voté l’avis pour lequel j’étais rapporteur et qui est désormais le premier texte émanant de l’Union Européenne relatif à l’obsolescence programmée. Une petite pierre, mais un beau signe.

BONNE  ANNEE 2014

La naissance du ministère de l’écologie

Dans son ouvrage de mémoires Avec de Gaulle et Pompidou, paru en 2011, Robert Poujade, qui fut le premier titulaire du ministère de l’environnement, revient sur cette période à laquelle il avait déjà consacré un ouvrage en 1975, Le ministère de l’impossible. Deux chapitres (sur 25) sont consacrés à cette fonction, j’en retiens les éléments suivants :

• Dès l’origine, aucune compétence environnementale n’est requise pour être ministre de l’environnement.

• L’esprit du ministère était déjà contenu dans le discours fondateur du 28 février 1973 prononcé par Georges Pompidou à Chicago : « L’emprise de l’homme sur la nature est devenue telle qu’elle comporte le risque de destruction de la nature elle-même. » La création du ministère suivra le 7 janvier 1971 au sein du ministère Chaban-Delmas.

(le discours de Chicago: http://www.georges-pompidou.org/Documentation/Discours/1970_02_Chicago.html)

La philosophie du premier ministère est empreinte d’éthique : « Il faut créer une morale de l’environnement », et de conservatisme au sens de sanctuarisation de la nature, ce qui conduira à la création de parcs naturels (les premiers ont été créés en juillet 1960) et du conservatoire du littoral.

La responsabilité des entreprises n’est jamais mentionnée. Il faut imposer des règles à l’Etat, aux collectivités, aux individus, mais les entreprises ne sont pas évoquées.

Les marges de manœuvre étaient limitées. Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre de l’économie, a ainsi déclaré : « C’est intéressant votre ministère, il ne devrait rien coûter à l’Etat » et Edgar Faure : « Comme de toute façon ce sera difficile et que, de surcroît on vous donnera peu de moyens, parlez surtout, parlez beaucoup, brassez des idées. Au besoin je vous en donne. »

• Le ministère avait déjà perçu l’importance du temps long, le terme de « prospective » revient souvent.

• Michel Barnier y fera ses débuts. « Un tout jeune homme plein de promesses rejoignait mon Cabinet. Il n’avait pas fini ses études à l’ESCP. »

• Le premier conseil interministériel portant sur l’environnement date du 17 février 1971 (17 jours après la sortie du décret d’attribution). Quant au ministère, originellement « délégué auprès du premier ministre », il devînt ministère autonome après le départ de Chaban-Delmas et son remplacement en juillet 1972 par Pierre Messmer.

• Le travail sur l’intégration des coûts externes ne date pas de la commission Stiglitz. C’est au sein du ministère Poujade, notamment sous l’impulsion de Serge Antoine, qu’un groupe interministériel fut mis en place afin d’établir les « comptes écologiques de la nation ».

• Sorti du ministère en 1974 (il apprendra son éviction à la radio, pour cause de chabanisme trop poussé), Robert Poujade écrira en 1976 : « L’environnement oblige ceux qui s’y attachent sérieusement à s’interroger sur la croissance et le but de la croissance. En fait, il conduit aux réflexions politiques essentielles. »

Un excellent retour aux sources qui donne la désagréable impression que beaucoup de temps a été perdu entre la connaissance du constat et l’engagement de politiques effectives.

Robert Poujade, Avec de Gaulle et Pompidou. Mémoires, L’Archipel, 308 pages.

Obsolescence programmée, phase finale avant les prochaines étapes.

Dans mon post précédent, j’ai présenté le contexte du vote et les mesures que je recommandais. Voici donc ce qui s’est passé ensuite:

L’avis que j’avais piloté est donc venu pour être discuté en séance plénière des 16 et 17 octobre, sur le programme, je passais pour le présenter le jeudi 17 en fin de matinée, vers 12h.
J’étais plutôt confiant car en réunion de ma section (le groupe « divers », c’est-à-dire principalement le secteur associatif) qui se déroula le mercredi matin, ma section avait fait passer la consigne de bien soutenir mon projet. Je pensais aussi que je ne devrais pas avoir de difficultés avec le Groupe II, c’est-à-dire les représentants des organisations syndicales. J’étais donc quasi assuré d’une majorité mais je craignais beaucoup les entreprises (le groupe 1).
3 amendements avaient été déposés sur mon texte, j’en avais accepté un en proposant une autre formulation qui fut acceptée, et j’ai accepté tels quels les 2 autres amendements que je trouvais bien constructifs.

 

 

En arrivant jeudi matin, le greffier est venu me chercher me disant que je devais présenter mon avis aussitôt, la raison en était une modification de planning suite à des avis adoptés plus rapidement la veille.
Je suis donc monté à la tribune pour présenter mon projet, j’avais 5 minutes pour cela, mais je pense avoir débordé. J’ai eu un peu peur lorsque j’ai vu la longue liste des demandes de prise de parole suite à mon intervention, mais à ma grande surprise, toutes ces interventions furent très positives. Je dus ensuite répondre à chacune d’entre elle, ce qui n’est pas un exercice facile car il faut se souvenir du propos de chacun.
Le vote eut ensuite lieu et je pense que je n’ai pu refréner un large sourire en voyant le résultat final: 184 suffrages exprimés, 178 votes favorables, 1 vote contre et 5 abstentions.
Ce résultat est excellent car il signifie que les entreprises ont parfaitement compris que leur intérêt était de soutenir le texte et que la lutte contre l’obsolescence programmée ne pouvait que représenter une belle opportunité.
Il faut maintenant rester vigilant mais je suis optimiste, d’abord au vu du résultat, ensuite parce que les premiers contacts déjà pris avec la délégation permanente française à Bruxelles ou avec la Commission s’annoncent très ouverts.

J’en profite pour remercier Didier Heiderich qui me suggéra l’idée il y a plus de 2 ans, merci à Anne Sophie Novel pour son beau travail d’informations, merci à Hadelin de Beer pour les données transmises, et bien sur à mon groupe de travail notamment mon corapporteur Jean-Pierre Haber (Groupe des employeurs), Vesselin Mitov, (Groupe des salariés) le président bulgare de mon groupe de travail dont j’ai apprécié le soutien public en séance plénière. Les coups de pouce de mes collègues Georges Cingal (France Nature Environnement) et Jacques Lemercier (Force Ouvrière) me touchèrent particulièrement. Camille Lecomte des Amis de la Terre partagea ses connaissances très pointues et d’avant garde, et Bruno Genty de France Nature Environnement fut toujours présent pour me conseiller. Côté politique, merci à l’écoute attentive de Laetitia Vasseur, collaboratrice de Jean-Vincent Placé. 

L’avis est publié sur le site du Comité Economique et Social européen, il est également disponible ici.

Obsolescence programmée, une première avancée en Europe

Le Comité Economique et Social Européen votera en séance plénière jeudi 17 octobre un avis relatif à la lutte contre l’obsolescence programmée. Il s’agira de la première fois qu’un organe des institutions de l’Union Européenne se prononcera sur ce thème et proposera des actions précises pour la réduire dans les 28 pays de l’Union.

L’avis qui est proposé au Comité Economique et Social Européen recommande : l’interdiction des cas flagrants où l’appareil est programmé pour s’arrêter à la suite d’un nombre prédéfini d’utilisations. Il préconise un soutien massif à la filière réparation, un encouragement aux démarches de normalisation portant sur les durées d’utilisation, un appel à l’exemplarité de la commande publique, l’affichage de la durée de vie des produits, ainsi, qu’à titre expérimental, d’un prix à l’année d’utilisation, l’extension des garanties minimales, la mise en place en 2014 d’une grande table ronde européenne et la création d’un observatoire européen de l’obsolescence programmée.

Technique visant à réduire la durée d’utilisation des produits et à empêcher leur réparation, l’obsolescence programmée est devenue un thème public avec la diffusion de documentaires « « Prêt à jeter » sur Arte en 2010 et Cash Investigations sur France 2 en 2012. Le sujet a fait l’objet d’études par l’Ademe à propos des produits électriques et électroniques montrant que seuls 44 % des produits tombant en panne étaient réparés. Evoquée lors de la conférence environnementale, la lutte contre l’obsolescence programmée a fait l’objet d’une proposition de loi par le sénateur Jean-Vincent Placé, et certains articles du projet de loi Hamon (garanties des produits) lui sont consacrés.

Cet avis intitulé : « Pour une consommation plus durable : la durée de vie des produits de l’industrie, et l’information du consommateur pour une confiance retrouvée », a été piloté par un groupe de travail que j’ai eu plaisir à conduire aidé en cela par Jean Pierre Haber, corapporteur sous la présidence du bulgare Vesselin Mitov . Il était constitué de 12 membres issus des Pays-Bas, d’Italie, d’Espagne, de Bulgarie, de Slovaquie, de Belgique et de Roumanie. Entreprises, organisations syndicales et associations y étaient représentées à parts égales. Après une audition publique le 7 mai à Bruxelles, le projet d’avis a été validé le 26 septembre dernier en Commission Consultative des Mutations Industrielles.

Si l’avis est voté, l’Europe, en émettant un signal fort sur la durabilité des produits, rappellera la nécessaire transition écologique et ses conséquences économiques, sociales et environnementales. La croissance doit être orientée pour répondre aux besoins des consommateurs dans une confiance retrouvée, et non comme un simple objectif en soi.

A propos de : Institué en 1957 par le Traité de Rome, le Comité Economique et Social Européen est une instance consultative du Conseil, de la Commission et du Parlement Européen sur l’ensemble des politiques communautaires. Depuis l’adhésion en juillet 2013 de la Croatie à l’UE il est composé de 353 membres répartis à parts égales en représentants des entreprises, des salariés et des associations de consommateurs et de protection de l’environnement

Les précurseurs de la lutte contre l’obsolescence programmée

Vance Packard, L’art du gaspillage, Calmann-Levy, 1962, 316 pages.

 

Paru en 1960 aux Etats-Unis, sous le titre The waste makers, cet ouvrage traite de la mode du renouvellement permanent induit par le style de vie américain. S’il dénonce principalement les techniques commerciales et publicitaires, il est intéressant d’y constater déjà une belle analyse de l’obsolescence programmée.

 

Dans son constat Vance Packard observait déjà trois techniques de la limitation volontaire de la durée d’un objet,

 

il suffit selon lui d’agir sur :

Sa fonction : par suite d’une modernisation, il est surclassé par un autre objet qui répond mieux aux besoins,

Sa qualité : il se casse ou s’use au bout d’un temps donné, en général assez court,

Sa présentation : on le démode volontairement.

 

Il cite un texte de George Frederick paru en 1928 dans la revue Advertising and Selling qui traite de l’intérêt économique de la « désuétude progressive » et un texte de Léon Kelley paru en 1936 dans la revue Printer’s Ink dont le titre de l’article est explicite « La solidité est démodée ». Il mentionne des documents fournis lors d’un procès contre General Electric en 1929, dans lequel un chef de service demandait de réduire la durée de vie des ampoules de 1.000 à 750 heures.

 

Il estime que le consommateur devrait exiger que « le fabricant engage sa responsabilité sur la durée d’utilisation du produit. En achetant, il devra lire la garantie avec attention. Couvre-t-elle les pièces de rechange et la main d’œuvre ? Et pour quelle durée ? » (page 249). Et il évoque des cas comme celui de Ford (c’était il y a plus de 100 ans !) qui distribuait des petites trousses à outils avec le mode d’emploi ou de l’entreprise Norge qui fit campagne pour inciter ses clients à réparer eux-mêmes leurs appareils électroménagers en cas de panne.

 

Il livre une explication sur l’augmentation de l’obsolescence programmée. Selon lui, la perte de contact direct avec un vendeur est un paramètre majeur. Nous ne connaissons plus nos vendeurs, cela ne peut que fragiliser la relation de confiance et permettre les dérives de la défectuosité planifiée.

Quelques références sur l’Obsolescence programmée

Mon travail de rapporteur au Comité Economique et Social Européen sur l’Obsolescence programmée m’a conduit à lire ou visionner un grand nombre de données sur le sujet. Pensant que cela peut intéresser d’autres, voici quelques références:

1) Vidéos

2 documentaires ont récemment révélés au grand public le problème de l’Obsolescence programmée, il s’agit de

– Prêt à jeter qui était passé sur ARTE: pret-a-jeter

– Cash Investigation, le magazine de France 2, présentée par Elise Lucet: youtube.com/cashinvestigation

et un film:

– L’Homme au complet blanc, film de 1950 avec Alec Guiness: perlicules.canalblog.com/WhiteSuit

2) Ouvrages:

J’en retiens 3

– Vance Packard. L’art du Gaspillage. Calmann- Levy. 1962. Tout le mécanisme de l’OP est déjà analysé de manière précise.

– Gil Slade. Made to break. Harvard Press. 2006. Critique ici

– Serge Latouche. Bon pour la casse. Les liens qui libèrent. 2012.
3) Des rapports ou mémoires:

– Rapport de l’Ademe sur la durée de vie des produits d’équipements électriques et électroniques: http://www2.ademe.fr/déchets-electroniques

– Rapport des Amis de la Terre et du CNIID de 2010 sur les déchets électriques et électroniques: http://www.cniid.org/L-obsolescence-programmee-symbole-de-la,9

– Un autre rapport des Amis de la Terre, très actif sur le sujet, sur les produits Hi techs (décembre 2012): http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/rapport_obsolescence_des_produits_high-tech.pdf

– Un mémoire d’un étudiant à la LSM de Louvain La Neuve: https://www.academia.edu/5246544/Les_Enjeux_Ethiques_de_lObsolescence_Programmee

4) Un manifeste

– Obsolescence manifestement abusive à réprimer, rédigé par Hadelin de Beer, chercheur à Etopia (Belgique)

http://www.etopia.be/IMG/pdf/20111114_ESC_HDB_Obsolence_programmee.pdf

5) Un texte étonnant, celui de Bernard London en 1932

– Agent immobilier américain, B London pensait que l’OP pouvait aider à sortir de la grande récession: Ending_the_depression_through_planned_obsolescence.pdf
(ce texte est désormais traduit en français aux éditions B2 avec une présentation de Serge Latouche)

6) sites web:

– Comment réparer: http://www.commentreparer.com/

– Produits pour la vie: http://www.produitspourlavie.org/

– Le mouvement SOP « Sin Obsolescencia programada » de Benito Muros: http://www.oepelectrics.es/

– La communauté Ifixit qui propose des guides de réparation: http://www.ifixit.com/

7) Projets, propositions de loi et travaux du CESE:

– Le projet de loi Hamon: http://www.economie.gouv.fr/loi-consommation

– La proposition de loi de Jean Vincent Placé (Sénat): http://www.senat.fr/leg/ppl12-429.html

– Un projet de résolution (Sénat- Belgique 2010/2011) en vue de lutter contre l’OP des produits liés à l’énergie: http://www.senate.be/www/?MIval=/publications/viewPub&COLL=S&LEG=5&NR=1251&PUID=83887779&LANG=fr

– La page du Comité Economique & Social Européen qui traite des travaux en cours sur l’OP et dont je suis le rapporteur: http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.events-and-activities-planned-obsolescence

8) 2/3 petites choses que j’ai écrite sur le sujet:

– Un papier dans Libération le 28 octobre 2012: http://www.liberation.fr/economie/2012/10/28/l-obsolescence-programmee-un-gachis-organise_856569

– Une note de synthèse (en 2 parties) publiée sur le site de la Fondation Nicolas Hulot: http://think-tank.fnh.org/content/lutte-contre-lobsolescence-programmee-sujet-avance

– Un rapide jeu power point où je présentais le sujet lors d’une audition sur la consommation collaborative au Comité Economique et Social Européen (25 mars 2013, en anglais): http://www.eesc.europa.eu/resources/docs/thierry-libaert.pdf

9) Réseaux sociaux

J’ai repéré un compte spécifique sur Twitter: @ObsolescenceFR. Il existe 2 pages sur Facebook, une générale sur l’OP l’autre relative à un projet d’initiative citoyenne.

10)  Citations

– La corporation des artisans réparateurs fera passer une résolution: « Quiconque parmi ses membres acceptera d’examiner un appareil ménager de moins de 2 ans sera banni pour atteinte à la sûreté de l’Etat ». (p 14. vision « La cité de demain, in Vance Packard)

– « J’aime les vêtements neufs, les usagés sont horribles. Nous jetons toujours nos vieux vêtements. Jeter vaux mieux que raccommoder.. Jeter vaut mieux que raccommoder » (Aldous Huxley. Brave New World. 1932)

– « Une fois dans ma vie, je voudrais posséder quelque chose avant que ce ne soit cassé! C’est une course de vitesse entre le tas de ferraille et moi! J’ai juste fini de payer ma voiture et elle s’effondre. Le réfrigérateur bouffe de la courroie de transmission comme un fou. Tout ça c’est prévu. La durée de tout est calculée pour que, quand vous avez fini de payer, ce soit foutu ». (Arthur Miller. Mort d’un commis voyageur. 1949)

La fonction communication à horizon 2020

Afin de réfléchir aux évolutions de la communication des entreprises, avec l’appui de la commission « Image d’entreprise et RSE » de l’Union des Annonceurs, Philippe Durance qui dirige la chaire de prospective du CNAM et moi-même, avions invité le 29 janvier 2013 une vingtaine de responsables de communication en entreprise à un atelier d’échanges sur le thème « La fonction communication à horizon 2020 ».

Avec Philippe, nous envisagions initialement de développer les résultats pour un article à caractère scientifique que nous pourrions proposer à une revue, mais nos manques de temps ont plombés cette idée. Pour que les résultats conservent une certaine pertinence, nous avons décidé sans plus attendre de les présenter sur ce blog.

Cet horizon de 2020 a été choisi car il permet de dépasser les échéances stratégiques de moyen terme (4 à 5 ans), tout en permettant de conserver un minimum de lisibilité des scénarios, c’est également une échéance habituelles des exercices actuels de prospective en entreprise. L’idée de cet atelier au Conservatoire National des Arts et Métiers était de partir des expériences de chacun et de les confronter selon la méthode prospectiviste, cela dans l’objectif de cerner les tendances lourdes pouvant impacter la fonction communication.

Sous l’animation de Philippe Durance, les participants furent invités durant une matinée d’échanges, et après s’être répartis en deux groupes, à lister l’ensemble des facteurs pouvant influer sur la fonction communication d’ici à l’horizon 2020. Il fallait ensuite les classer par ordre d’importance (ampleur), selon leur probabilité d’apparition ou de généralisation, selon le risque potentiel et selon le niveau de maîtrise que les entreprises peuvent avoir sur ces facteurs. Enfin, sur les facteurs considérés comme majeurs, à réfléchir aux enjeux clés et aux pistes d’action pour un meilleur contrôle.

 

D’emblée, chaque groupe a recensé une trentaine de facteurs ayant une incidence sur la fonction communication, 30 pour le groupe 1 et 31 pour le groupe 2, dont près des deux tiers d’éléments communs, ce qui souligne la convergence forte des préoccupations des responsables communication provenant parfois d’horizons différents.

Les facteurs les plus importants recensés par le premier groupe concernent la déconnexion entre la science et l’idée de progrès pour les citoyens et les consommateurs, l’exigence d’un risque zéro qui s’accompagne d’une demande généralisée d’indemnisation, la multiplication et l’individualisation des parties prenantes qui rend plus complexe le dialogue avec l’entreprise. Les ruptures technologiques, à l’exemple de l’apparition du gaz de schiste, voire du gaz de houille, ainsi que les problématiques d’explosions sociales furent également mentionnées parmi les facteurs les plus influents.

Pour le groupe 2, la montée de la génération Y, l’intensification des exigences légales, l’explosion des médias et en particulier les médias sociaux, la montée du ROI, la montée des parties prenantes et des attentes envers les entreprises, la généralisation des crises figuraient parmi les thèmes majeurs.

Il fut ensuite demandé aux 2 groupes de classer l’ensemble de ces éléments sur 2 axes, celui de l’importance en termes d’impact sur l’entreprise et celui de la maîtrise que peut avoir l’entreprise sur ce sujet. Dans la catégorie Fort impact/faible maîtrise, le premier groupe plaçait l’exigence du risque zéro et ses conséquences notamment en termes de montée des demandes d’indemnisation, l’atomisation de nos sociétés, le risque d’explosion sociale Nord/Sud et celui de crise écologique. Le groupe 2 considérait que les facteurs qui étaient les moins sous contrôle et hautement importants étaient les conséquences induites par la montée de la génération Y, la viralisation de l’information, la montée des attentes envers l’entreprise et ses incidences réglementaires, et la croissance de l’exigence du ROI.

Les facteurs majeurs furent ensuite travaillés en termes d’enjeux et de pistes d’action. Ainsi, sur le thème de la « viralisation » de l’information, les enjeux suivant furent détectés :

 

• Réactivité et prise en compte de toutes les parties prenantes,

• Evaluation de l’impact qualitatif et quantitatif,

• Traçabilité du contenu,

• Organisation et ressources associées au suivi et à l’analyse des informations,

• Transformation nécessaire de l’organisation,

• Qui prend la parole, qui répond ?

• Surveillance des signaux faibles,

• Confidentialité des éléments surveillés.

Les pistes d’action associées sont les suivantes :

• Acquisition de nouvelles expertises,

• Positionner le digital comme part de la stratégie avec le soutien du top management,

• Allouer des moyens et des ressources,

• Assurer la cohérence de messages de l’entreprise,

• Donner des clés de décryptage à l’externe comme à l’interne,

• Identifier le porte-parole de l’entreprise pour chaque thématique,

• Accompagner le dircom comme « community manager »,

• Sélectionner les agences en prenant en compte le paramètre digital.

Le même exercice fut effectué pour l’intégration de la génération Y (groupe 2), pour la déconnexion science/progrès et ses enjeux en termes de remise en cause de l’expertise et sur la demande de transparence, et par l’exigence d’un risque zéro qui s’accompagne d’une contestation croissante liée à des demandes d’indemnisation.

Il est ressorti de cet exercice un intérêt tout à la fois pour ce qui est exprimé comme vision du futur mais aussi pour ce qui n’y figurait pas. L’avis largement partagé est que ce type de travail de réflexion et d’échange est à renouveler. Il devrait également être mis en perspective avec d’autres travaux similaires qui pourraient être menés avec des agences ou des étudiants en communication dans l’objectif de confronter les différentes visions du futur que nous pouvons avoir et donc mieux nous y préparer.