Michel HOUELLEBECQ. Soumission

Flammarion. 300 pages.
Si l’on s’écarte de l’image sulfureuse de l’affaissement de la France et de la prise du pouvoir par les musulmans, et qu’on passe outre les nombreuses invraisemblances, on découvre un livre, conçu comme une fable, assez extraordinaire.
Les mœurs universitaires sont caustiquement disséquées, toutes les situations remarquablement documentées comme la connaissance de Huysmans, l’écrivain objet des recherches du narrateur. Sinon, pour l’avoir été durant six années, j’ai eu du mal à me persuader de « la haute valeur érotique des professeurs d’université » (p. 248) et à me convaincre que « en vieillissant, je me rapprochais moi-même de Nietzsche, comme c’est sans doute inévitable quand on a des problèmes de plomberie » (p. 272).
Remarquablement écrit.

Gabriel MATZNEFF. Mais la musique soudain s’est tue

Journal 2009-2013. Gallimard. 517 pages.
Il y a un mystère Matzneff. Ce livre ne présente pas le moindre intérêt. Il y a une sorte de narcissisme extrême sur ses voyages et ses amours multiples, mais nulle information sur la vie littéraire qu’il connaît à merveille. Pourtant il est impossible de décrocher de la lecture ; le style, la prise de responsabilité permanente sur ses amours adolescentes, son histoire personnelle et surtout sa sincérité hors du commun. Une seule citation : « L’élégance est l’antipode de l’avachissement. » (p. 27).

Guy BIRENBAUM. Vous m’avez manqué : histoire d’une dépression française

Les arènes. 406 pages.
Un ouvrage assez étonnant qui retrace une profonde dépression de l’auteur. Le livre raconte cette histoire, mais aussi plus largement celle d’un contexte familial marqué par l’attitude héroïque de ses parents lors de l’occupation.
Je retiens surtout la mise en garde contre le danger de l’hyper connexion et d’une vie artificielle sur les réseaux sociaux. J’ai appris l’adage « T’es visible, t’es visé » et le fait que « Plus le taux d’emploi d’une ville ou d’une région est faible, plus on y trouve d’utilisateurs sur twitter » (p. 313). Une mise à nue pudique et courageuse par quelqu’un qui a symbolisé l’implication sur le 2.0, et un salutaire avertissement.

Frédéric MITTERRAND. Une adolescence

Robert Laffont. 186 pages.
Journal rédigé lors de l’adolescence, ce texte est un peu étrange puisque l’essentiel des pages est consacré à l’admiration éprouvée envers le général de Gaulle et celle envers son oncle, François Mitterrand. « Le pire, c’est qu’il va peut-être y arriver, tonton François, à chasser le général de Gaulle et à devenir président de la République en lui prenant sa place » (p. 133). Le ton est également bizarre puisque le style ne semble pas avoir évolué entre la sortie de la petite enfance et l’entrée à Sciences-Po. Agréable à lire, sans plus.

Nicolas HULOT. Osons, plaidoyer d’un homme libre

Editions Les liens qui libèrent. 96 pages.
Un petit livre de circonstance à l’occasion de la Cop 21 et une bonne manière de rappeler quelques enjeux. L’ouvrage présente douze propositions générales pour les politiques publiques et dix engagements que chacun d’entre nous pouvons tenir. J’ai bien aimé la citation que je ne connaissais pas du Dalaï Lama « Si vous pensez que vous êtes trop petit pour changer le monde, alors faites l’expérience de dormir avec un moustique et vous verrez qui empêche l’autre de dormir. » (p. 23).

Marine JOBERT et François VEILLERETTE. Perturbateurs endocriniens. La menace invisible

Buchet Chastel. 128 pages.
On en parle beaucoup et je ne savais pas ce que c’était. Le terme vient d’un biologiste américain, Théo Colborn, auteur de L’homme en voie de disparition ?, qui organise en 1991 un colloque dans le Wisconsin où émerge la notion de « endocrine disruptors ». Un des plus célèbre est le bisphénol A interdit dans les contenants alimentaires depuis 2015, ou le distilbène interdit depuis 1977.
Parmi les particularités des perturbateurs endocriniens, figure le fait qu’une dose infime peut bouleverser le système endocrinien, contrairement à la vieille idée de Paracelse que « C’est la dose qui fait le poison ». De même, les effets peuvent se jouer des générations, une mère contaminée peut ne développer aucune conséquence, et celle-ci pourra se déclencher quinze ans après chez son enfant. Accélération de la puberté, baisse de la fertilité, obésité ; les conséquences sont multiples.
J’ai appris que les vignes représentent 3 % de la surface agricole et reçoivent 20 % du tonnage des pesticides.
Un livre alarmiste.

Jean-Baptiste COMBY. La question climatique. Genèse et dépolitisation d’un problème public

Raisons d’agir. 206 pages.
La thèse du livre est intéressante : la question climatique a été dépolitisée en raison des professionnels de la sensibilisation qui ont communiqué sur la responsabilité individuelle de chacun pour éviter de remettre en cause le système capitaliste et perpétuer le pouvoir des classes dominantes.
« Placer la loupe sur les comportements quotidiens de la sphère domestique a ainsi pour effet de dédouaner certains secteurs d’activité dont les contributions au problème sont pourtant significatives (p. 113). L’auteur peut alors supposer que ceux qui communiquent sur l’environnement pour mieux sensibiliser l’opinion, participent de la préservation d’un ordre social, et les associations écologistes sont complices puisqu’elles « délaissent les modes opératoires subversifs et les discours contestataires » (p. 151). Au total, le livre présente une idée originale, mais les erreurs, le parti pris idélogique, la présentation caricaturale de la communication environnement et la faiblesse de la démonstration peinent à convaincre.

Naomi KLEIN. Tout peut changer. Capitalisme et changement climatique

Actes Sud. 620 pages.
J’avais un peu hésité à me lancer dans la lecture de ce livre car la vision des 620 pages m’effrayait un peu. En fait, le livre, bien que totalement orienté, sans nuance, est toujours convaincant, rigoureusement documenté et parfaitement écrit. L’auteur a le sens de la formule « La seule chose qui s’accroit plus vite que les émissions, c’est la quantité de mots par lesquels on s’engage à les réduire. » Les deux points clés de la démonstration sont que le système actuel est incompatible avec la lutte contre le changement climatique, « Le système économique et la planète sont en guerre l’un contre l’autre » (p. 33) et que les grandes ONG environnementales ont failli à leur mission en recherchant des partenariats sans ambition avec les grandes entreprises. Respecter l’objectif des deux degrés d’augmentation maximale impliquerait de laisser dès maintenant 80 % de nos ressources fossiles sous terre, ce qui est en contradiction avec l’idéologie extractiviste. L’ensemble offre peu d’espoir : « Juste assez de temps pour réaliser l’impossible » (p. 505). Vite un livre de Bob Morane pour compenser….

Francelyne MARANO, Robert BAROUKI et Denis ZMIROU. Toxique ? Santé et environnement : de l’alerte à la décision

Buchet/ Chastel. 208 pages.
Les auteurs présentent successivement l’histoire de l’homme et de son environnement et notamment l’impact des crises sanitaires, la qualité des milieux de vie et leur relation à la santé, les mécanismes d’action des polluants puis la question des risques. Lien ancien qui ne réduit pas au sujet des produits dangereux, les auteurs notent qu’au IVème siècle avant notre ère, Hippocrate avait déjà rédigé un traité sur l’importance « des airs, des eaux et des lieux » sur la santé des populations. J’ai notamment appris que la France était le premier consommateur européen de pesticides et que si nous respections en France les normes OMS sur la qualité de l’air, les habitants de nos grandes métropoles gagneraient six mois d’espérance de vie.

Paul WATSON. Earthforce. Manuel de l’éco-guerrier

Actes Sud. 184 pages.
Ce livre est la traduction mise à jour d’un ouvrage paru en 1993. Paul Watson est l’un des cofondateurs de Greenpeace et le fondateur en 1977 de Sea Shepherd, association combattive de défense des océans. Cet ouvrage est tout à la fois une réflexion sur la nécessité de l’action environnementale, mais aussi un manuel de combat. Dans la préface d’Alice Ferney, j’ai bien aimé la phrase « Si vous n’avez aucun ennemi, c’est peut-être que vous n’avez rien fait d’important » (p. 16). Sinon, je me suis bien reconnu dans le thème central de ce livre « Le mouvement pour la défense des écosystèmes planétaires manque d’une orientation claire, d’un commandement solide, de tactique pratique et de stratégie efficace (p. 26).