Georges SOUCHAY et Marc LAIME. Sivens, le barrage de trop

Seuil / Reporterre. 138 pages.
Une histoire du projet du barrage de Sivens avec en perspective la mort de Rémi Fraisse en octobre 2014. Le livre montre bien l’absence d’étude objective des besoins en eau et de la nécessité du barrage dans son projet initial, l’aveuglement des pouvoirs publics, les connivences entre agriculteurs et pouvoirs publics locaux et le fait qu’il y a bien lieu de distinguer la majorité des zadistes de la violence des casseurs venus spécialement pour en découdre. Un livre clairement à charge contre le projet de barrage.

Ludovic FRANCOIS et Romain ZERBIB (sous la direction de). Influentia

La référence des stratégies d’influence. Lavauzelle 430 pages.
Un beau recueil sur le thème de l’influence avec des points de vue de Noam Chomsky, Charles Fombrum, Stéphane Fouks ou Henry Mintzberg. Le thème de l’influence est traité sous son angle médiatique, celui de la cyber influence, du lobbying, de la déstabilisation par le droit ou celui de la gestion des crises. Les auteurs montrent que l’influence peut être très médiatisée mais rester éphémère et sans conséquence à l’exemple de l’opération #BringBackOurGirls. J’ai appris que le mot influence signifiait à l’origine une « action attribuée aux astres sur la destinée des hommes », qu’il y aurait autant de communicants en entreprise que de journalistes (p. 66), que le fondateur de l’expression « Fabrication du consentement » est Walter Lippmann. J’ai apprécié l’article d’Emmanuel Bloch sur la notion d’asymétrie en communication de combat, celui de Stéphane Billiet sur les relations publiques et celui de Camille Alloing sur les crises d’e-réputation.

Marie-France CHEVALLIER-LE GUYADER et Mathias GIREL (sous la direction de). Au cœur des controverses

Actes Sud / IHEST. 234 pages.
Ce livre collectif présente une quinzaine d’analyses et de points de vue sur les controverses. On apprend que le mot controverse vient d’un mot latin signifiant « collision », qu’elle paraît se situer à égale distance de la discussion et de la polémique, qu’elle est « un affrontement entre deux parties sous le regard d’un tiers » selon l’expression de Cyril Lemieux. Celui-ci présente également les stratégies de déconfinement, c’est-à-dire celles utilisées pour obtenir des soutiens extérieurs au cercle des pairs et il pense que le phénomène d’hyperspécialisation et de division du travail intellectuel est la première condition de possibilité du développement des controverses. J’ai apprécié le point de vue de Jean-Marc Levy-Leblond qui pense qu’il y a toujours des arrières plans philosophiques aux controverses les plus techniques, et l’analyse de Stéphane Fourcart sur l’utilisation, à des fins de communication, de la science par l’industrie du tabac.

Sophie BOULAY. Astroturfing, communication et démocratie

Presses de l’Université du Québec. 194 pages.
L’astroturfing est une stratégie de communication dont la source réelle est occultée et qui prétend à tort être d’origine citoyenne. A titre d’exemple, une association de patients est en fait une association montée de toutes pièces par l’industrie du médicament ou une association de promotion des droits des fumeurs qui était totalement téléguidée par l’industrie du tabac.
Le terme date de 1986, en référence au nom d’un gazon synthétique. L’auteur examine à travers 99 cas recensés ses applications au domaine corporate, mais aussi commercial à travers les faux avis, et au domaine politique lors des campagnes électorales. L’objectif est d’influer sur un projet de loi ou d’influencer l’opinion publique et le 2.0 a accru ses moyens d’action. Il peut s’agir d’une action unique, d’une campagne et l’association peut être ponctuelle ou pérenne. Le livre est toutefois trop un exercice académique limité à l’étude de ce qui est dit sur Internet et sans approfondissement des techniques utilisées dans une réelle étude de cas.

Eric SINGLER, Nudge Marketing. Comment changer efficacement les comportements

Pearson. 344 pages.
Toujours méfiant envers les ouvrages de consultants souvent trop enclins à confondre leur livre avec une plaquette promotionnelle de leurs activités, j’ai eu une excellente surprise avec ce livre toujours très clair, accessible, bien documenté scientifiquement, et contenant de multiples exemples. Le nudge est une méthode qui modifie la vision classique en communication qui reposait sur l’idée qu’informer suffisait très largement à faire réagir. Ce livre montre que des modifications parfois anecdotiques peuvent entraîner des effets importants, il suffit pour l’essentiel de ne pas s’intéresser à ce que les gens déclarent, mais d’observer ce qu’ils font.
Je conseille fortement, notamment à ceux qui s’intéressent à la consommation responsable et aux moyens d’actions contre le dérèglement climatique.

Andrea CATELLANI et Caroline SAUVAJOL-RIALLAND. Les relations publiques

Dunod. Topos. 128 pages.
Un livre appelé à devenir une référence dans le domaine des relations publiques. Le livre présente l’histoire, les notions-clés, l’éthique, les modèles scientifiques, les outils et l’évaluation et un chapitre est consacré aux RP 2.0. C’est toujours très bien documenté et très clair. Mes deux ex-collègues de l’université de Louvain ont réussi ici un bel ouvrage de synthèse pour les étudiants mais que beaucoup d’agences devraient lire. Jean-Luc Letouzé, de l’association Communication & Entreprise a préfacé le livre dont j’étais le conseiller éditorial et rédacteur d’une courte introduction.

Francine CHAREST, Alain LAVIGNE et Charles MOUMOUNI (sous la direction de). Médias sociaux et relations publiques.

Presses de l’Université du Québec. 334 pages.
Fruit d’un « webinaire » international en relations publiques, cet ouvrage présente des articles sur des sujets assez divers. J’ai remarqué l’étude relative aux « limites du collaboratif dans les stratégies de communication numérique de la Fondation Nicolas Hulot », celle sur « l’influence de la marque employeur sur l’e-réputation » à travers l’exemple de trois banques françaises, celle sur les nouvelles pratiques de live-tweeting. Le livre comporte aussi de belles études de cas comme l’usage des médias sociaux en temps de crise à travers l’exemple de la catastrophe de juillet 2013 à Lac-Mégantic au Canada, ou celle consacrée aux phénomènes de bad buzz.

Frédéric PAJAK. Manifeste incertain

Editions Noir sur Blanc. 222 pages.
Les livres de Pajak sont extraordinaires, ils ne ressemblent à rien d’autre. Entre l’essai, la biographie et la bande dessinée, ils donnent envie de découvrir des auteurs, de relire des œuvres. J’avais adoré son livre, L’immense solitude, consacré à la période où Nietzsche et Pavese vécurent à Turin (ce qui m’entraîna à vite me rendre à Turin pour découvrir la ville). Ce livre ici est consacré au poète Ezra Pound et au philosophe Walter Benjamin dont j’ignorais tout de sa fin de vie dans le Sud de la France. Les textes sont superbes, les dessins pleins d’émotion contenue.
Le plaisir total de la lecture.

Benoît PEETERS. Valéry. Tenter de vivre

Flammarion.394 pages.
Ce qui est extraordinaire avec les biographies de Benoît Peeters, c’est qu’il arrive à vous rendre passionnante l’existence de personnalités avec qui on se sent peu d’affinités. J’avais déjà été conquis par sa précédente biographie de Derrida, ici il nous entraîne dans la vie et l’œuvre d’un écrivain qu’on réduit souvent à quelques poèmes (Le cimetière marin) ou quelques citations : « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », « La politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. »
Pas vraiment une biographie, mais plutôt des coups de projecteurs sur des moments ou des thèmes. Belle réussite.

Bertrand PICCARD. Changer d’altitudes. Quelques solutions pour mieux vivre sa vie

Stock. 300 pages.
L’auteur est l’initiateur du projet « Solar Impulse » d’avion solaire et détenteur du record du monde de la plus longue traversée en ballon. Le titre fait référence au vol en ballon où la seule maîtrise est de monter ou descendre et « Un vol en ballon est à l’image de la vie, une permanente gestion de crise » (p. 56). Le thème principal du livre est que « Notre volonté de contrôle par manque de confiance et d’intuition nous fait souvent manquer les cadeaux de l’existence » (p. 67). Livre assez étrange où l’auteur parle écologie, hypnose, chiffres fétiches, religion, politique et astrologie à laquelle il croit. Intéressant à découvrir ne serait-ce que pour rompre avec nos certitudes. « Je suis sûr de mes doutes et je doute de mes certitudes » (p. 254).