David GRAEBER. Comme si nous étions déjà libres

Lux. 272 pages.
L’auteur est un des principaux animateurs du mouvement Occupy Wall Street. On apprend dans son livre les principales connexions entre des mouvements, parfois en apparence éloignés, comme celui de la place Tahrir avec le mouvement serbe d’opposition à Milosevic, l’importance pour les activistes de choisir des lieux emblématiques comme le magasin Fortnum & Mason à Londres pour une occupation avec 250 militants, le choix du slogan « We are the 99 % » et surtout l’origine d’OWS, l’importance du compte Twitter pour relayer les informations, et l’organisation du mouvement avec ses trente-deux groupes de travail. Le livre est excellent pour comprendre les raisons du succès, mais aussi de l’épuisement progressif du mouvement. Il est toutefois alourdi par trop de digressions sur le poids de la dette ou l’histoire de la démocratie. J’aime assez ce point de vue « l’action directe, c’est s’obstiner à agir, comme si l’on était déjà libre » (p. 213).

Comité invisible. A nos amis

La fabrique, 248 pages.
L’aura un peu sulfureuse et le mystère autour de ce comité m’auront donc conduit à lire ce livre. Celui-ci m’aura déçu en raison de sa confusion extrême, et comparativement aux œuvres des situationnistes, il n’y a ici ni humour, ni culture. Il reste une belle énergie et quelques réflexions « La crise n’est pas un fait économique, mais une technique politique de gouvernement » (p. 24), « L’épuisement des ressources naturelles est moins avancé que l’épuisement des ressources subjectives qui frappe nos contemporains » (p. 33), « L’indignation est le maximum de l’intensité politique à quoi peut atteindre l’individu atomisé, qui confond le monde avec son écran » (p. 61), « Un mouvement qui exige a toujours le dessous face à une force qui agit » (p. 72).

Razmig Keucheyan. La nature est un champ de bataille. Essai d’écologie politique

Zones. 206 pages.
La thèse du livre forme le titre du livre, et l’auteur indique que la nature sera de plus en plus à l’avenir le théâtre d’affrontement entre des acteurs aux intérêts divergents. Loin des appels au consensus, Razmig Keucheyan pense que la résolution de la crise écologique passe peut-être par la radicalisation des oppositions. Son premier chapitre traite des inégalités sociales : « Si vous voulez savoir où un stock de déchets a le plus de chances d’être enfoui, demandez-vous où vivent les noirs, les hispaniques et les autres minorités raciales » (p. 20), le deuxième chapître porte sur la financiarisation de la nature « La crise n’a pas uniquement des effets négatifs pour le capital. Capitaliser sur le chaos est toujours une possibilité » (p. 135) et le troisième des guerres vertes et la militarisation de l’écologie.
Un livre bien documenté, original, même si je ne partage pas de nombreuses idées.

Isabelle Bruno et al. Statactivisme. Comment lutter avec des nombres

Zones. 270 pages.
Le sujet est passionnant. La statistique est souvent l’art de démontrer scientifiquement que nous avons raison, en portant du constat que « la quantification joue souvent un rôle de premier plan pour produire l’autorité des faits. » (p. 51).
Cet ouvrage tente de faire de la statistique une arme critique en prenant exemple sur les statistiques de la délinquance, des sans-papiers, du PIB ou des inégalités.
Dix-huit auteurs ont participé à ce livre qui ouvre une belle réflexion malgré l’hétérogénéité des thèmes traités.

Paulo Arantes et Al. Villes rebelles

Le sextant. 160 pages.
Sous-titré « De New-York à Sao Paulo, comment la rue affronte le nouvel ordre capitaliste mondial », cet ouvrage collectif offre différents points de vue sur les grands rassemblements de contestation sur les grandes places des capitales ou grandes villes. L’essentiel des analyses porte sur le cas brésilien après l’annonce de l’augmentation des tarifs des transports publics. J’ai surtout retenu sur la base des cas américain, Occupy Wall Street, du mouvement des Indignés en Espagne, du cas tunisien, que les réseaux sociaux jouèrent un rôle majeur dans l’organisation des rassemblements et que les jeunes en furent souvent à l’origine, mais que ce sont les médias classiques qui impactèrent l’opinion publique.
L’ensemble des dix-huit contributions est toutefois trop disparate.

Christian Fuchs. Occupy Media

Zero Books.168 pages.
Sous-titré « The occupy movement and social media in crisis capitalism », le livre présente les résultats d’une recherche sur les usages des réseaux sociaux par les sympathisants du mouvement Occupy. Il indique que derrière l’image des révolutions 2.0, le mouvement Occupy reste très marqué par des relations directes. Toutefois, les réseaux sociaux sont une source d’informations pour les militants beaucoup plus importante que les médias traditionnels. Les plates-formes digitales interactives restent très faibles comparativement aux réseaux digitaux commerciaux classiques comme Facebook ou Twitter.

Ieva Kukule. Internal Communication Crisis. Impact on organisation’s performance

Lambert Academic Publishing. 112 pages.
Présenté comme la publication d’un travail de recherche dans le cadre d’un master, l’ouvrage m’a semblé très critiquable sur la méthode et la précision des concepts. Il reste toutefois très intéressant à lire. Il tente de cerner le concept de « crise de la communication interne » et son impact sur la crise organisationnelle, il en détermine les quatre composantes majeures : une communication interne unilatéralement descendante, un manque de leadership, un conflit de valeur et une communication informelle très importante. Enfin, j’ai trouvé extrêmement intéressants les moments de son enquête où l’auteur interrogeait des salariés et des managers sur leur perception de la situation dans l’entreprise qui indiquait un décalage de perception, mais surtout lorsqu’elle les interrogeait sur leur idée de la perception de l’autre groupe : « Employees believe that management believe » (et inversement). Non seulement les salariés et collaborateurs n’ont pas la même perception, mais ce que nous pensons de l’autre groupe peut révéler des décalages gigantesques.

Timothy Coombs. Applied crisis communication and crisis management

Cases and exercices. Sage. 246 pages.
Recueil de dix-neuf cas de crise, cet ouvrage présente en une douzaine de pages une situation de crise en exposant le contexte, en fournissant des thèmes de discussion, des sites web sur le sujet et de nombreuses références bibliographiques sur le cas. En dehors des cas connus mondialement, comme Nestlé et l’huile de palme, l’affaire Carrefour en Chine, la campagne Détox ou la tragédie de Bhopal, les cas restent très américano-centrés. A noter un excellent chapitre introductif sur les différentes théories en communication de crise ; celui-ci rend vraiment évidente la citation de Kurt Lewin « Rien n’est plus pratique qu’une bonne théorie ».

Muriel Jouas. Communication de crise

Gereso. 250 pages.
Sous-titré « Gérer l’urgence et l’émotion avec la process communication », cet ouvrage est essentiellement constitué d’une étude des profils de personnalités en cellule de crise et de l’intérêt d’une bonne connaissance des types psychologiques de ceux qui sont amenés à piloter une crise. Hermétique à ce type d’approche que je considère un peu rigide, je suis passé à côté de ce livre malgré l’intérêt d’ouvrir la vision habituelle par les processus par une démarche centrée sur les facteurs humains comme l’avaient fait T. Portal et C. Roux-Dufort en 2009 dans Crises et facteur humain (De Boeck). Il reste quelques belles pages, notamment la 4ème partie relative aux principaux dysfonctionnements individuels et collectifs en situation de crise, ainsi que sur le choix d’expressions pro-actives dans les messages de crises.

Andrew Griffin. Crisis, Issues and reputation management

Kogan Page, 262 pages.
Directeur de l’agence de consulting Regester-Larkin, une des plus renommées en communication de crise, l’auteur offre un livre très opérationnel dans lequel il distingue quatre types de crise, selon que celles-ci sont causées par des accidents internes, externes ou s’ils découlent de problématiques crisogènes externes ou internes plus structurelles, sachant que les frontières sont toujours très fines. Il offre un plan de management des crises qui peut servir de modèle avec la préparation des managers, des structures, des salariés, des procédures, du travail sur l’image et les relations. Il présente des modèles d’élaboration des scénarios de crise en analysant les déclencheurs et les amplificateurs, l’étude du pire scénario et l’analyse des impacts. C’est clair, pratique, simple et toujours accompagné d’exemples.