Manuel Castells. Communication et pouvoir

Editions de la Maison des Sciences de l’homme. 664 pages.
Dans sa préface, Alain Touraine écrit : « Je me sens obligé de dire aux lecteurs, avant même toute argumentation, qu’ils ouvrent et vont lire un des livres les plus importants des sciences sociales contemporaines, un livre qui nous est indispensable à tous pour nous orienter dans le monde changeant et confus que nous vivons. » Je confirme ces propos, il s’agit d’un livre majeur. C’est tout simplement la conception du pouvoir à l’heure de réseaux sociaux que ce livre interroge brillamment, différenciant le pouvoir de contrôler l’accès aux réseaux, le pouvoir des réseaux, le pouvoir en réseau et la pouvoir de créer des réseaux. « Le pouvoir dans la société en réseau, c’est le pouvoir de la communication. » (p. 89). Tout est clair, précis, étayé et souvent original, comme sur « l’auto-communication de masse » où il analyse le rôle des individus sur les réseaux sociaux. A noter aussi les excellents développements sur le dérèglement climatique.

Francis Chateauraynaud et Didier Torny. Les sombres précurseurs

Une sociologie pragmatique de l’alerte et du risque. Editions EHESS. 476 pages.
Réédition de l’ouvrage rédigé en 1999 avec une nouvelle préface de Claude Gilbert. Celui-ci fait remarquer qu’après que le parlement français venait d’adopter une loi sur le sujet (le 3 avril 2013), il aura fallu un peu moins de 15 ans pour qu’une notion issue du champ académique intègre l’arsenal législatif. Le livre s’interroge sur les conditions dans lesquelles une alerte peut aboutir. Les deux auteurs examinent en détail trois dossiers ; celui de l’amiante, du nucléaire et de la maladie de la vache folle.
L’ensemble est parfaitement documenté et toujours très clair.

François Vallaeys. Pour une vraie responsabilité sociale.

PUF. 276 pages.
Une vraie belle surprise qui dépoussière beaucoup d’analyses trop convenues sur la RSE. Philosophe ayant longtemps séjourné en Amérique Latine, l’auteur prône une responsabilité des organisations sur une base territoriale et qui soit prospective et transformative ; il ne s’agit plus de gérer les impacts négatifs en prenant en compte les parties prenantes, mais de conduire une transformation en termes de nouvel équilibre. Selon l’auteur, « La gouvernance de la RSE par des normes et des audits non seulement désocialise la responsabilité […] mais elle en dépolitise le contenu. » (p. 56). Il note aussi que « Les institutions qui ont le plus d’impact sur la société démocratique ne sont pas contrôlées par la démocratie. » (p. 195)..

Josianne Millette. Grèves étudiantes et relations publiques

Presses de l’Université Laval. 166 pages.
Un excellent ouvrage de réflexion autour du grand mouvement de contestation qui secoua les universités du Québec entre 2005 et 2012 en réaction, notamment, à l’accroissement des frais d’inscription.
Comment les mouvements de contestation utilisent les relations publiques pour atteindre leurs objectifs alors même qu’ils sont souvent peu structurés et que les outils de communication apparaissent plutôt appartenir à la sphère des entreprises et des pouvoirs publics. Josianne Millette montre parfaitement la tension entre une réticence de principe à être dans un mouvement de professionnalisation communicante pour mieux se faire entendre des médias et celui de privilégier une opposition dénuée de tout artifice communicationnel. Les relations publiques commencent à s’ouvrir à l’étude des pratiques activistes, perçues en elles-mêmes et non seulement comme un risque pour les entreprises.

Bruno Le Maire. Jours de pouvoir

Gallimard. 428 pages.
Ce journal du ministre de l’agriculture de 2010 à 2012 dans le gouvernement Fillon, ne contient aucune révélation, le discours est lisse à l’extrême, Bruno Le Maire apparaît le super héros de la défense de l’agriculture française dans une présidence sarkoziste où tous les ministres ou membres de l’UMP semblent s’entendre à merveille. Malgré ce sentiment d’auto-glorification permanente au service du renforcement d’une stature politique qui semble avoir de l’avenir, l’ouvrage se lit avec plaisir, parce qu’il est bien écrit, que l’homme est cultivé, et qu’il relate de savoureux moments de la vie politique. J’ai retenu cette phrase : « La main qui gouverne ne tire plus toutes les ficelles du capitalisme, elle en tient à peine une ou deux » (p. 230).

Jean-Pierre Lehnisch. La communication dans l’entreprise

Que-sais-Je ?. PUF. 8ème édition 2013.
Un livre qui pouvait être une belle synthèse sur la communication interne lors de sa première édition en 1985. Hélas, ce qui est présenté comme une nouvelle édition « Mise à jour » est une supercherie. Le livre n’a quasiment jamais évolué depuis 1985 et l’auteur en reste aux journaux internes, notes de service et réunions comme piliers de la communication, le mot même d’Intranet n’est même pas évoqué et la bibliographie ne comprend aucun ouvrage postérieur à 1989. La belle collection des Que-Sais-Je ? est tombée bien bas.

Gabriel Matzneff. Séraphin, c’est la fin

La table ronde. 270 pages.
Cet ouvrage, couronné par le prix Renaudot, présente des chroniques rédigées de 1964 à 2012. L’ensemble couvre des sujets fort variés, de la guerre en Libye aux amours adolescentes, en passant par des hommages aux grands écrivains russes.
J’ai bien aimé ce qu’il dit sur les catholiques pratiquants : « Le seul intérêt d’une religion est de la pratiquer, de la vivre à fond la caisse. (…) Sinon, c’est comme avoir dans son lit une jolie jeune personne et ne pas en savourer voluptueusement les charmes. » Matzneff doit être le seul écrivain à pouvoir employer en même temps et sans artifice des mots comme « sycophante », « tropaire », « folliculaire » et « sacré nom d’une pipe » ou « rien à foutre ».
Culture extraordinaire, liberté de ton et style sublime.

Frédéric Wauters. Marketer son écriture

De Boeck. 160 pages.
Il est des livres qu’on n’aurait pas l’idée de lire si certains éditeurs bienveillants ne pensaient pas à nous. Il est vrai que, généralement pris par nos urgences, notre écriture est souvent rapide et nous pensons davantage à émettre notre message qu’à réfléchir à sa compréhension par le lecteur. Sous-titré « Rédiger vite et bien pour toucher son public », j’ai beaucoup apprécié ce petit livre qui est un modèle de clarté. Il a le mérite d’être simple et de concerner tous les types d’écriture du mail au communiqué de presse en passant par l’écriture sur les réseaux sociaux.
Je ne connaissais pas la citation de Steven Pressfield dans laquelle je me reconnais souvent : « Ce n’est pas écrire qui est difficile, ce qui est difficile, c’est de s’asseoir pour écrire. »

Samuel Lepastier (sous la direction de). L’incommunication

CNRS Edition, 214 pages.
Pour l’essentiel, ce livre est un recueil d’articles déjà publiés dans la revue Hermès. L’angle principal est de considérer qu’il n’y a pas de communication sans incommunication (Wolton, p. 164) et que l’incommunication est peut-être plus naturelle que la communication. J’ai bien apprécié le texte d’Arnaud Benedetti « La « com » à l’épreuve de la communication » qui observe la confusion entre la communication perçue en tant que valeur d’un côté et en tant que technique de l’autre. Le texte final reprend l’essentiel des thèses de D. Wolton qui évoque « l’idéologie du branchement », mais ce rappel est toujours utile : « On suppose naïvement que plus il y a d’échange, d’interaction, de système technique efficace, plus les hommes se comprennent » (p. 162).

Stéphane Olivesi, (sous la direction de), Sciences de l’information et de la communication

PUG, 2ème édition, 302 pages.
Recueil de seize articles rédigés par des auteurs différents ; je me suis intéressé à ceux relatifs à la communication publique, la communication organisationnelle et la communication politique. J’ai particulièrement apprécié le chapitre final « Cartographie d’une discipline » rédigé par Pascal Froissart et qui présente une étude sur les enseignants chercheurs en sciences de l’information et de la communication. J’ai ainsi appris qu’il y a 781 enseignants chercheurs en France (610 maîtres de conférence et 171 professeurs), que la moyenne d’âge est de 56 ans pour un professeur, qu’un grand nombre de postes sera ouvert dans les années à venir et que la communication d’entreprise représente 14 % des postes actuels. Une étude sur les articles publiés dans des revues scientifiques indique que la communication des organisations représente un peu moins de 5 % des thèmes de recherche en sciences de la communication.