Sandrine Revet et Julien Langumier (sous la dir de). Le gouvernement des catastrophes

Karthala. 284 pages.
Pour ceux qui s’intéressent aux problématiques des crises, cet ouvrage présente la double originalité d’avoir une grille de lecture anthropo-ethnologique et de centrer l’analyse sur la post-crise et ce qui se déroule quand les médias sont partis et que les victimes doivent reconstruire leur existence.
Grippe aviaire à Hong Kong, coulée de boue au Kazakhstan, tsunami au Sri Lanka, inondations dans le Rhône et en Argentine, contamination à la dioxine à Seveso forment les six chapitres de cet excellent ouvrage qui renouvelle les études sur la culture du risque. Un des angles du livre est l’examen « non plus de ce que la catastrophe détruit, mais bien de ce qu’elle contribue à produire, à faire advenir comme recomposition sociale ». J’ai notamment été frappé par l’analyse de la situation post tsunami au Sri Lanka où 150 ONG furent présentes et gérèrent des sommes considérables pour aboutir « à des projets qui profitèrent à des propriétaires fonciers proches du pouvoir en place ». J’ai aussi appris que c’était Napoléon III qui avait inventé le « voyage compassionnel » à la suite des inondations de 1856 dans le Rhône en se rendant sur les lieux pour témoigner de son soutien.

François Sureau, Le chemin des morts

Gallimard, 56 pages.
Bref récit autour d’une décision prise par un jeune conseiller d’Etat à propos d’une affaire de droit d’asile.
Le contexte renvoie à l’Espagne port-franquiste et à la situation des réfugiés basques.
Superbement écrit, le livre rappelle que derrière toute décision d’organisation, il y a toujours des histoires individuelles.

Jean-Marie Charpentier et Vincent Brulois, Refonder la communication en entreprise. De l’image au social

FYP, 192 pages.
Rédigé par deux spécialistes de la communication, dont l’un travaille en entreprise, ce livre part de la conviction que « la communication est d’abord une question sociale » (p. 10) et que trop habituée à gérer des questions d’image, elle doit retrouver le sens du dialogue. Pour les auteurs, la communication « s’inscrit dans une conception toujours aussi désocialisée, privilégiant le monologue au dialogue, le miroir à l’agora, l’imposition à la conversation, l’image à la relation. » (p.12). Le livre appelle à un retour du social dans la communication et un management de proximité alors que celui-ci est « de plus en plus occupé à nourrir ces machines de gestion ou à participer à quantité de réunions pour gérer les processus, plutôt que de réguler le travail au quotidien » (p. 71)
Excellent ouvrage que je conseille.

Stéphane Foucart. La fabrique du mensonge

Comment les industriels manipulent la science et nous mettent en danger. Denoël. 304 pages.
Dans la ligne du livre d’Erik Conway et Naomi Oreskes, Les marchands de doute, Stéphane Foucart, journaliste environnement au Monde, nous livre ici une version française du problème de la manipulation des informations industrielles.
Outre le cas très largement documenté des cigarettiers, l’auteur traite de l’amiante, du réchauffement climatique, des pesticides, des perturbateurs endocriniens et des OGM. Le panorama des techniques utilisées pour nous persuader de l’innocuité de certains problèmes est impressionnant.

Jean-Léon Beauvois. Deux ou trois choses que je sais de la liberté

Françoise Bourin éditeur. 125 pages.
Bel ouvrage de vulgarisation de psychologie sociale centré sur la question de la liberté. J’ai particulièrement apprécié les développements relatifs au processus de rationalisation de comportement de soumission, lorsque nous faisons acte d’obéissance ou par un déterminisme absolu, nous avons toujours besoin de nous considérer libre de l’avoir fait.
Au lieu de penser puis d’agir, l’auteur montre que nous nous dotons d’idées postérieures pour rendre nos actes moins problématiques. De même nous imputons toujours la cause à notre volonté : « Trouver en soi la cause de ce qu’on a fait, même quand on n’y est pour rien ou qu’on n’a fait qu’obéir. »

Carole Barjon et Bruno Jeudy. Le coup monté

Plon. 212 pages.
Excellente enquête journalistique dont je n’ai pu me détacher après l’avoir commencée. Le livre donne un aspect de la violence en politique et des coups bas au sein d’un même mouvement politique. Il n’y a aucune révélation, c’est parfois répétitif, mais c’est extraordinaire au niveau des informations et de la vision de ce qui se trame dans les coulisses d’un mouvement politique.

Jean-Noël Kapferer. Réinventer les marques. La fin des marques telles que nous les connaissions

Eyrolles. 240 pages.
Excellent petit livre, très accessible, composé de coups de projecteur sur vingt sujets (et autant de chapitres) en relation avec les problématiques de marque. J’ai beaucoup aimé le passage sur la déterritorialisation des marques, notamment lorsque l’auteur observe la réaction des touristes chinois venant acheter à Paris et découvrant que les produits ont été fabriqués dans leur pays et acheminés en Europe pour retourner en Chine. Kapferer remet en cause le modèle des plates-formes classiques « qui ne sont pas une réponse à la crise des marques. » (p. 149).

Dominique Venner. Un samouraï d’Occident

Editions Pierre-Guillaume de Roux. 320 pages.
Je ne connaissais pas Dominique Venner avant d’entendre parler de lui via son suicide d’un coup de feu en mai dernier dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. Me renseignant sur le personnage, j’ai vu que j’avais peu d’affinités avec ses positions d’extrême-droite, ultra nationalistes et peu tolérantes. Mais je sais aussi que pour s’enrichir intellectuellement, il faut être capable de s’intéresser à d’autres trajectoires que celles qui nous sont proches.
Sous-titré « Le bréviaire des insoumis », ce livre, pour peu qu’on passe outre ses excès, reste un salutaire rappel de certaines valeurs et de dénonciation de la marchandisation du monde. J’aime la formule « Veiller à ne jamais guérir de sa jeunesse » et ses trois principes d’action « La nature comme socle, l’excellence comme but, la beauté comme horizon ».

Pascal Hebel. La révolte des moutons

Les consommateurs au pouvoir. Editions Autrement. 134 pages.
Essai synthétique sur les évolutions de la consommation par la direction du département Consommation du Credoc.
L’essentiel est tiré des expériences de l’auteur. J’ai apprécié les informations précises sur les nouvelles modalités de consommer, même si je reste sceptique sur le déclaratif concernant l’achat durable.

Dominique Bourg, Pierre-Benoît Joly et Alain Kaufmann (sous la direction de). Du risque à la menace, Penser la catastrophe

P.U.F. 380 pages.
Issu d’un colloque de Cerisy, cet ouvrage rassemble des contributions sur le thème des risques et provenant de spécialistes de l’histoire, de l’économie, du droit, de la sociologie, des mathématiques… L’origine du livre est celui paru en 1986 par Ulrich Beck, La société du risque, et de l’idée de le resituer face aux risques actuels. Pour la plupart des auteurs, il faut dépasser la notion actuelle de risque qui repose sur des calculs probabilité / impact ou risques réels / perçus ou en termes d’investissements de prévention / dommages réels puisque les risques ont changé de nature ; ils sont moins localisables, plus imprévisibles et surtout, pour certains d’entre eux, comme le climat, irréversibles. Nous serions donc davantage confrontés à des menaces qu’à des risques.