Défendre le climat, un sport de combat
Un ouvrage assez extraordinaire et qui raconte trente ans de recherche scientifique sur le réchauffement du climat. Le livre est rédigé par un scientifique américain de premier plan, ce qui rend son témoignage, vu de l’intérieur, passionnant. L’auteur montre l’émergence progressive du thème et relate sa première convention « Study of Man’s impact on climate » à Stockholm en 1971. Il reconnaît ses premiers tâtonnements et erreurs, explique la différence entre météorologie et climatologie (essentiellement une différence d’outils), et montre que la recherche en climatologie a considérablement bénéficié des progrès de la modélisation informatique.
Les batailles avec l’administration Reagan puis Bush sont racontées et notamment les manœuvres les plus incroyables pour délégitimer les climatologues, cela au nom du principe de primauté de la libre entreprise. S. Schneider note au passage que les républicains n’ont pas toujours été adversaires des préoccupations écologiques et que le président Nixon fut très actif dans le domaine environnemental (en particulier avec la création de l’Agence pour la protection de l’Environnement).
Parmi les moments les plus intéressants de l’ouvrage figurent les discussions au sein du GIEC pour aboutir à la publication d’un rapport. Ainsi, la reconnaissance par le deuxième rapport du GIEC en juin 1996 d’une influence humaine « perceptible » sur le climat a donné lieu à d’infinies tractations notamment en raison du blocage des pays exportateurs de pétrole.
Le titre « un sport de combat » apparaît pleinement justifié à la lecture des interminables et houleuses discussions lors des conférences mondiales comme celle de Kyoto, les tentatives de déstabilisation émanant de l’Arabie Saoudite, des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie.
Un chapitre est consacré au rôle des médias « Les coulisses de la distorsion » (p. 203) où l’auteur critique le fait qu’en matière scientifique, les journalistes fassent comme en matière politique, c’est-à-dire mettent un point d’honneur à exposer les points de vue des deux parties en présence. Selon lui, le contexte scientifique est tout à fait différent et ne justifie pas que l’on traite des faits scientifiques comme des opinions : « Un journaliste ne peut pas résumer en une seule phrase les conclusions d’une centaine de scientifiques, puis les placer sur le même plan que les objections d’une poignée de négationnistes, dont une infime minorité de chercheurs avisés » (p. 217).
L’ouvrage se termine par quelques réflexions pessimistes autour de la question « La démocratie survivra-t-elle à la complexité ? »
Ce livre est la traduction française de celui initialement publié aux Etats-Unis en 2009 sous le titre « Science as a contact sport ». L’auteur est décédé en juillet 2010 à 65 ans. Un site internet lui rend hommage : http:// stephenschneider.stanford.edu
Stephen H. Schneider, Défendre le climat, un sport de combat, Ed. National Geographic, 2011, 296 pages