Je vous présente mes plus sincères excuses
Désolé pour cela
Parmi les apparents incontournables de la communication de crise figure l’idée que le premier acte à accomplir est celui de la présentation d’excuses. De ce point de vue, le livre d’Edwin L. Battistella, Sorry about that, apporte d’utiles précisions.
Dans cet ouvrage paru en 2014, l’auteur en reprenant les analyses d’Erwing Goffman dans La présentation de soi, (1959) indique qu’une excuse complète comporte quatre éléments : la reconnaissance de l’erreur, le désaveu, la repentance et l’engagement pour l’avenir. Il indique les différentes expressions pouvant être utilisées pour s’excuser : je suis désolé, je regrette, j’ai eu tort, je m’excuse, je demande pardon.
L’auteur indique que pour être efficace, la demande d’excuse doit traduire le regret et être précise dans son objet, c’est-à-dire nommer la faute. L’excuse doit également être ciblée directement et doit éviter les expressions exprimant une potentialité « Je m’excuse si certains ont pu être offusqués par mes propos ».
Etre désolé ne suffit pas car l’expression ne traduit qu’un état intérieur et ne décrit souvent qu’une émotion limitée sans engager de responsabilité : « Je suis désolé qu’il pleuve aujourd’hui ».
Les expressions peuvent être relevées par des adjectifs appropriés : « Je suis sincèrement désolé et je présente mes plus profondes excuses ».
Le livre présente de nombreuses études de cas comme le naufrage du pétrolier Exxon Valdez en 1989, l’explosion de la plateforme BP en 2010 et la première affaire de communication politique de crise liée à un scandale sexuel, celle du secrétaire d’Etat au Trésor américain, Aaron Burr en 1804, bien avant les affaires Clinton et Strauss Kahn donc.
L’auteur indique les obstacles à la présentation d’excuses et particulièrement dans la sphère géopolitique, « Nous sommes désolés de ce qui est arrivé, mais cela ne pourrait être perçu comme une demande d’excuses » (Colin Powell, avril 2001). Il note pour les entreprises, la crainte que la reconnaissance de responsabilité morale n’apparaisse comme l’acceptation d’une culpabilité, comme ce fut le cas pour l’explosion de Bhopal en 1984. Cette reconnaissance de responsabilité s’avère d’ailleurs d’autant plus illusoire désormais puisque l’entreprise en cause, Union Carbide, fut rachetée en 2001 par Dow Chemical. E. Battistella consacre plusieurs paragraphes au « code John Wayne » qui dans le film La Charge Héroïque de 1949 répétait en permanence: « Ne vous excusez jamais, c’est un signe de faiblesse. »
Cet ouvrage est excellent par l’ampleur et la diversité des études de cas. Chaque chapitre présente quelques principes suivis de commentaires détaillés d’exemples. Bien sur, l’auteur est un linguiste et ses commentaires ne sont pas toujours pertinents dans une vision opérationnelle de communication de crise dans les organisations.
Sur ce dernier point, on sait que les formules d’excuses apparaissent souvent pré-formatées et peu crédibles aux yeux de la population (cf l’étude de Joost W.M. Verhoeven, Centre de recherches en communication d’Amsterdam). En outre, dès 2008, Timothy Coombs avait dans un article écrit avec Sherry Holladay « Comparing apology to equivalent crisis response strategy : clarifying apology’s role and value in crisis communication » montré que le critère dominant n’était pas la présentation d’excuses mais une stratégie « victim-centered / accomodative strategy ». Il faudrait donc actualiser quelques éléments de langage qui peuvent désormais apparaître un peu trop convenus.
Référence: Edwin L Battistella. Sorry about that. The language of public apology. Oxford University Press. 2014. 218 pages.
Extrait de La Charge Héroïque: * Never to apologize, it’s a sign of weakness
Bon article de synthèse sur les stratégies d’excuses par Hervé Monier: Link: Savoir s’excuser, tout un art