La fonction communication à horizon 2020
Afin de réfléchir aux évolutions de la communication des entreprises, avec l’appui de la commission « Image d’entreprise et RSE » de l’Union des Annonceurs, Philippe Durance qui dirige la chaire de prospective du CNAM et moi-même, avions invité le 29 janvier 2013 une vingtaine de responsables de communication en entreprise à un atelier d’échanges sur le thème « La fonction communication à horizon 2020 ».
Avec Philippe, nous envisagions initialement de développer les résultats pour un article à caractère scientifique que nous pourrions proposer à une revue, mais nos manques de temps ont plombés cette idée. Pour que les résultats conservent une certaine pertinence, nous avons décidé sans plus attendre de les présenter sur ce blog.
Cet horizon de 2020 a été choisi car il permet de dépasser les échéances stratégiques de moyen terme (4 à 5 ans), tout en permettant de conserver un minimum de lisibilité des scénarios, c’est également une échéance habituelles des exercices actuels de prospective en entreprise. L’idée de cet atelier au Conservatoire National des Arts et Métiers était de partir des expériences de chacun et de les confronter selon la méthode prospectiviste, cela dans l’objectif de cerner les tendances lourdes pouvant impacter la fonction communication.
Sous l’animation de Philippe Durance, les participants furent invités durant une matinée d’échanges, et après s’être répartis en deux groupes, à lister l’ensemble des facteurs pouvant influer sur la fonction communication d’ici à l’horizon 2020. Il fallait ensuite les classer par ordre d’importance (ampleur), selon leur probabilité d’apparition ou de généralisation, selon le risque potentiel et selon le niveau de maîtrise que les entreprises peuvent avoir sur ces facteurs. Enfin, sur les facteurs considérés comme majeurs, à réfléchir aux enjeux clés et aux pistes d’action pour un meilleur contrôle.
D’emblée, chaque groupe a recensé une trentaine de facteurs ayant une incidence sur la fonction communication, 30 pour le groupe 1 et 31 pour le groupe 2, dont près des deux tiers d’éléments communs, ce qui souligne la convergence forte des préoccupations des responsables communication provenant parfois d’horizons différents.
Les facteurs les plus importants recensés par le premier groupe concernent la déconnexion entre la science et l’idée de progrès pour les citoyens et les consommateurs, l’exigence d’un risque zéro qui s’accompagne d’une demande généralisée d’indemnisation, la multiplication et l’individualisation des parties prenantes qui rend plus complexe le dialogue avec l’entreprise. Les ruptures technologiques, à l’exemple de l’apparition du gaz de schiste, voire du gaz de houille, ainsi que les problématiques d’explosions sociales furent également mentionnées parmi les facteurs les plus influents.
Pour le groupe 2, la montée de la génération Y, l’intensification des exigences légales, l’explosion des médias et en particulier les médias sociaux, la montée du ROI, la montée des parties prenantes et des attentes envers les entreprises, la généralisation des crises figuraient parmi les thèmes majeurs.
Il fut ensuite demandé aux 2 groupes de classer l’ensemble de ces éléments sur 2 axes, celui de l’importance en termes d’impact sur l’entreprise et celui de la maîtrise que peut avoir l’entreprise sur ce sujet. Dans la catégorie Fort impact/faible maîtrise, le premier groupe plaçait l’exigence du risque zéro et ses conséquences notamment en termes de montée des demandes d’indemnisation, l’atomisation de nos sociétés, le risque d’explosion sociale Nord/Sud et celui de crise écologique. Le groupe 2 considérait que les facteurs qui étaient les moins sous contrôle et hautement importants étaient les conséquences induites par la montée de la génération Y, la viralisation de l’information, la montée des attentes envers l’entreprise et ses incidences réglementaires, et la croissance de l’exigence du ROI.
Les facteurs majeurs furent ensuite travaillés en termes d’enjeux et de pistes d’action. Ainsi, sur le thème de la « viralisation » de l’information, les enjeux suivant furent détectés :
• Réactivité et prise en compte de toutes les parties prenantes,
• Evaluation de l’impact qualitatif et quantitatif,
• Traçabilité du contenu,
• Organisation et ressources associées au suivi et à l’analyse des informations,
• Transformation nécessaire de l’organisation,
• Qui prend la parole, qui répond ?
• Surveillance des signaux faibles,
• Confidentialité des éléments surveillés.
Les pistes d’action associées sont les suivantes :
• Acquisition de nouvelles expertises,
• Positionner le digital comme part de la stratégie avec le soutien du top management,
• Allouer des moyens et des ressources,
• Assurer la cohérence de messages de l’entreprise,
• Donner des clés de décryptage à l’externe comme à l’interne,
• Identifier le porte-parole de l’entreprise pour chaque thématique,
• Accompagner le dircom comme « community manager »,
• Sélectionner les agences en prenant en compte le paramètre digital.
Le même exercice fut effectué pour l’intégration de la génération Y (groupe 2), pour la déconnexion science/progrès et ses enjeux en termes de remise en cause de l’expertise et sur la demande de transparence, et par l’exigence d’un risque zéro qui s’accompagne d’une contestation croissante liée à des demandes d’indemnisation.
Il est ressorti de cet exercice un intérêt tout à la fois pour ce qui est exprimé comme vision du futur mais aussi pour ce qui n’y figurait pas. L’avis largement partagé est que ce type de travail de réflexion et d’échange est à renouveler. Il devrait également être mis en perspective avec d’autres travaux similaires qui pourraient être menés avec des agences ou des étudiants en communication dans l’objectif de confronter les différentes visions du futur que nous pouvons avoir et donc mieux nous y préparer.