Directeur de recherches au CNRS, l’auteur a longtemps croisé la route de la science nucléaire, notamment à son démarrage après la seconde guerre mondiale. Le livre a pour thème les relations dangereuses de la science lorsqu’elle rencontre l’industrie, la politique, le militaire.
Le récit commence avec une description de la catastrophe de Fukushima en 2011 et Harry Bernas rappelle le nombre impressionnant de mises en garde qui furent lancées lors du projet d’implantation de cette centrale nucléaire en raison de l’existence d’une importante faille sismique. Comme il le dit « les catastrophes naturelles n’existent pas », les catastrophes sont affaires humaines parce que nous artificialisons les sols, que nous ne construisons près des côtes, des volcans. Le livre porte son titre puisqu’en japonais Fukushima signifie « L’île au bonheur » et la photo qui illustre la couverture est celle d’une personne dont il ne reste qu’une ombre après avoir été pulvérisée par l’explosion d’Hiroshima.
Le livre fourmille d’informations et de réflexions passionnantes sur l’histoire de l’atome, sur la manière dont les scientifiques furent enrôlés pour la construction de la première bombe atomique, sur le « recrutement » des scientifiques allemands par les Etats-Unis après la deuxième guerre mondiale. J’ai appris qu’il s’en était fallu d’un cheveu pour que l’armée allemande ne découvre les secrets de la physique nucléaire avant les alliés, et que si les Etats-Unis lancèrent à deux reprises une bombe atomique sur le Japon, c’était moins pour faire capituler le Japon ou soumettre l’Allemagne qui avait déjà perdu la guerre, que pour adresser un message fort à l’Union Soviétique. Le livre peut se lire sous l’optique du dérèglement climatique car la question qui taraude l’auteur est celle de notre « penchant atavique à nier des réalités qui nous mettent en péril mortel » (p. 108).
L’ouvrage est désabusé, pessimiste mais passionnant par son témoignage, sa réflexion sur l’éthique scientifique, les évolutions de la science et cette idée permanente que ce qui est imaginable peut devenir rapidement concevable et réalisable quels qu’en soient ses effets. Je conseille.
Harry Bernas. L’île au bonheur. Hommes, atomes et cécité volontaire. Editions Le Pommier. 2022. 334 pages. 24 Euros.