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Dans la machine de l’Etat

J’ai eu l’occasion de travailler avec Emmanuel Constantin lorsqu’il était secrétaire de la mission de médiation pour le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. A l’époque, la mission m’avait demandé de les accompagner sur le volet communication. Après cette mission, l’auteur a travaillé comme conseiller ministériel pour la rénovation énergétique des bâtiments. Il travaille actuellement en Angleterre pour Veolia.

Emmanuel Constantin témoigne de son expérience de six années au service de l’Etat et donc essentiellement sur des aspects de politique environnementale.

Parmi les observations de l’auteur, j’ai noté :

  • l’accent sur le volet Communication du travail ministériel : « Il n’est pas rare qu’un conseiller technique soit quasiment seul en charge de la communication sur ses dossiers, l’équipe Communication s’attachant à de simples questions de timing et de relations avec la presse » (p. 38).

  • Le travail parlementaire, pas toujours à la hauteur. L’auteur se réfère à la quantité considérable des amendements et le fait que « surtout, la vaste majorité de ces amendements paraît inutile et vaine ».

  • Le décalage entre des mesures de calcul d’impact très élaboré et la rapidité voire l’aléa des décisions politiques parfois fondées sur des calculs de coin de table et des discussions politiques qui n’occupent pas plus de dix minutes de considération alors que « Ces échéances impliquent la rénovation de plus de deux millions de logements supplémentaires d’ici dix ans. » Dans un autre sens, l’auteur cite la TVA réduite à 5,5 % pour les travaux de rénovation énergétique. Cette politique est totalement opaque, n’obéit à aucun critère et coûte à l’Etat de l’ordre de 500 millions d’Euros par an. Et pourtant, personne n’oserait demander sa suppression, certainement par crainte de se mettre à dos les artisans et des intérêts politiques. Et en marge de ces appréciations, est évoquée la faiblesse de la culture économique au ministère de l’écologie, ce qui empêche toute discussion rigoureuse avec Bercy.

  • Les contradictions des ONG environnementales qui, par jusqu’au-boutisme, préfèrent renoncer à un combat contre les énergies fossiles pour ne pas risquer d’apparaître pro-nucléaires. (Ce constat avait déjà été fait par Léo Cohen dans son livre 800 jours au ministère de l’impossible.) Il reste « assez sidérant que le principal frein à pousser le curseur en faveur du climat ait été …. les associations de défense de l’environnement » (p. 181). L’auteur faisait ici référence au refus des ONG de prioriser la rénovation des passoires thermiques chauffées au gaz – pourtant moins bien isolées – par rapport à celles chauffées à l’électricité.

  • La concurrence entre ministères. Cela s’applique d’abord entre le ministère et Bercy sur des enjeux financiers, mais cela va plus loin. « Au-delà des seules discussions avec Bercy, la non-coopération est la règle par défaut de l’univers interministériel » (p. 168).

Le livre est passionnant, parfaitement documenté et avec une volonté de mettre en lumière les obstacles à un meilleur fonctionnement de « la machine de l’Etat », mais sans jamais se placer dans une optique de règlement de comptes. Un livre vraiment excellent que je recommande.