Notre Dame des Landes, et maintenant?
Le référendum sur le projet d’aéroport s’étant soldé par la victoire du oui, les opposants sont maintenant dans une situation délicate. Comment s’opposer au résultat d’une consultation à laquelle on a participé? Mais la lutte ne semble pas terminée pour autant. En 2014, le leader de l’opposition m’avait accordé une interview que je reproduis ci dessous.
Julien DURAND, porte-parole de l’ACIPA, association citoyenne Intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes
Après plus de 30 ans de lutte, que manque-t-il désormais pour faire annuler le projet d’aéroport ?
Nous sommes dans une situation d’attente. Vu l’ampleur des procédures, il est probable que le déterminant vienne d’un accroc juridique. Nous avons posé beaucoup de recours au nom de la loi sur l’eau, sur les paysages, sur les expropriations, au niveau du droit européen. Si nous l’emportons au plan juridique, cela offre aux pouvoirs publics une porte de sortie honorable.
Justement, cette longueur du conflit, cela joue en votre faveur ?
Oui, car ce statu quo occasionne aux entreprises des frais d’immobilisation prévus pour la construction et les place en situation d’incertitude. Mais il ne faut pas dissimuler que le combat est parfois d’une extrême dureté, d’autant qu’une frange très radicale d’opposants est apparue sur le site et cela peut démotiver nos soutiens locaux. Le premier décret pour cet aéroport date de 1973, une lutte aussi est parfois fatigante.
Comment avez-vous organisé l’opposition ?
Cela s’est passé par étapes et d’une opposition purement paysanne, nous sommes passés à une opposition citoyenne. Nous ne voulions pas apparaître comme des défenseurs de nos intérêts particuliers, c’est pour cette raison que nous avons axé le débat sur la question du type de société que nous voulons. Aujourd’hui, nous fédérons 55 associations à nos côtés et trois piliers ont été définis pour notre combat : la résistance citoyenne, l’action juridique et les relais politiques.
Parmi l’ensemble de vos actions, qu’est-ce qui a été le plus efficace ?
L’information des citoyens, c’est la base. Sinon, ils ne reçoivent qu’une information biaisée des pouvoirs publics. Cette contre-information, nous la réalisons sous forme de réunions publiques ou d’envoi d’informations. Nous éditons un bulletin sous format papier que nous envoyons tous les trois mois à nos 4.000 adhérents et nous éditons en fonction de l’actualité une newsletter que nous envoyons à 6.000 abonnés.
Quels sont les arguments essentiels que vous mettez en avant ?
Nos messages suivent l’évolution de notre société. Au départ, notre argumentation était très axée sur le gaspillage des terres agricoles, puis nous avons mis l’accent sur les problèmes énergétiques. Actuellement nous communiquons beaucoup sur les problèmes climatiques et les conséquences en termes d’augmentation des émissions des gaz à effet de serre qui seraient engendrées par la construction de l’aéroport.
Vous avez des moments particuliers pour conduire des actions ?
Oui, les périodes électorales puisque les élus sont beaucoup plus attentifs à nos arguments. Si nous avons organisé la grande manifestation du 22 février 2014 qui a réuni entre 50 et 60.000 personnes, c’était clairement lié aux élections municipales du mois suivant. Sinon, nous agissons également en fonction des événements sur la zone couverte par la Déclaration d’Utilité Publique.
Quelles sont vos relations avec la presse ?
Au début, ce n’était pas facile de les intéresser à notre combat. C’est plus facile au plan local, un peu plus long régionalement et beaucoup plus long au plan national. Nous essayons au maximum d’en faire des partenaires de notre lutte, mais, surtout au plan national, on a parfois le sentiment qu’il faut leur donner du sensationnel pour les intéresser.
Vous avez fait des média training, élaboré des argumentaires ?
Non, mais à chaque fois que je suis interviewé, mes proches me font leurs remarques et progressivement on se corrige.
Vous vous êtes renseigné sur d’autres combats pour en tirer des leçons ?
Oui, mais cela n’était pas organisé. J’ai eu beaucoup de conseils d’anciens du Larzac. Mais chaque cas est particulier. Nous pouvons nous en inspirer, mais pas les plaquer, le contexte n’est pas le même et l’époque a évolué. Ce qui apparaît prédominant, c’est qu’il faut un enracinement local très fort. Le socle de la résistance est sur la zone et si les locaux s’en désintéressent ou se démotivent, ce sera beaucoup plus difficile.
Quels conseils donneriez-vous à des personnes en lutte contre des projets d’implantation ?
D’abord comprendre le projet car nous avons en face de nous des énarques et des polytechniciens. Pour faire de la contre-information crédible, nous devons bien connaître le dossier.
Ensuite, éviter de se faire caricaturer en défenseurs de nos propres intérêts particuliers, et donc être capables d’élargir le débat en portant un projet de société.
Enfin, mobiliser toutes les composantes de la société civile pour relayer nos arguments.