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Découvertes et coups de coeur 2024

Je reprends cette année une vieille habitude que j’avais abandonnée de présenter mes découvertes de l’année passée avec l’idée que cela pourrait donner des idées à certains d’entre vous. Je les range par catégories.

  1. LIVRES

Le fait d’avoir arrêté il y a 5 ans de rédiger de nouveaux livres, en dehors des rééditions, a eu pour effet de me redonner le goût de la lecture. J’ai passé 30 ans de ma vie à écrire et comme je voulais que mes livres soient irréprochables, j’ai toujours soigné ma documentation. Résultats, je ne lisais que des livres « utiles » pour mes recherches et quasiment jamais pour mon plaisir propre. Depuis, je suis devenu boulimique. Je garde une trace de mes lectures à des fins toutes personnelles pour me rappeler mes lectures. En 2024, j’aurais lu 91 livres, mais le nombre ne veut rien dire, il suffit de lire plein de petits livres pour lire beaucoup ;-)

Je mets ici mes comptes rendus de lecture, il suffit de cliquer sur l’image pour avoir le CR: Lectures 2024

Kafka, tome 2.

Mon préféré aura été la biographie de Kafka par Reiner Stach, tome 2, il me reste le tome 3 à lire.

 

 

 

 

 

 

2. MUSIQUE

Pas de grande découverte cette année. J’ai bien aimé Fontaines DC, le dernier Cure mais je crois davantage par fidélité au groupe. J’ai juste découvert qu’il pouvait y avoir des très bonnes choses dans le rap, j’ai beaucoup écouté Busta Rhymes, Extinction Level Event 2, et ces derniers temps pas mal de Johnny Cash.

 

 

3. CINEMA

Mon grand bonheur cinéphile de l’année aura été de revoir l’intégrale ou presque des films de Visconti au Champollion à Paris. Je me souviens avoir été un peu inquiet de revoir Ludwig à cause de sa durée de 4 heures, mais quel plaisir. Dans les films récents, j’ai apprécié Les graines du figuier sauvage, la zone d’intérêt, mais rien que je peux considérer comme un chef d’oeuvre, surtout après avoir revu Visconti.

 

 

4) VOYAGES

Hambourg

Cela fait très longtemps que je ne suis plus sorti d’Europe. Ma belle découverte aura été Hambourg en Europe, et pour la France des villes proches de Lille comme Saint Omer ou Wambrechies et plus au Nord la redécouverte des villes belges, notamment Anvers, Bruges, Ypres ou Tournai.

 

 

 

 

5) MUSEE, EXPOSITION

Pas de coup de coeur, je vais de moins en moins voir d’expositions en raison du nombre de personnes. Dans mes voyages, j’ai par contre adoré le musée des Beaux arts de Hambourg et celui de Bruges.

authenticité

Au musée Guimet à Paris, j’aime bien la représentation de l’authenticité:

 

 

 

 

 

 

6) BD

J’ai peu lu de nouveautés cette année, me contentant de relire mes vieilles BD et c’est toujours le même plaisir des Corto Maltese et des Blake et Mortimer. J’ai juste acheté Le roi méduse de Brecht Evens et j’ai beaucoup aimé. L’an dernier, mon coup de coeur avait été à Kate Beaton pour sa BD issue de son parcours « Environnement toxique »

 

 

 

 

 

 

7) PODCAST

De loin, les podcasts de Philippe Collin sur France Inter. Les précédents sur Céline ou le Général Leclercq étaient excellents. Dernièrement, tant au niveau du contenu historique que de la mise en forme, celui en 10 épisodes sur l’affaire Dreyfus est remarquable: L’affaire Dreyfus

 

 

8) EVENEMENT

A titre perso, c’est certainement ma retraite depuis le 1er juillet. Et je n’imaginais pas la galère administrative que cela entrainerait. C’est ce qui m’a conduit à dénoncer la déshumanisation des services publics: Une communication sans relation

 

 

9) IMAGE DE L’ANNÉE

Cela vient juste de se passer au championnat du monde blitz à New York. Je sais que ce n’est en rien comparable aux désastres de Mayotte, d’Ukraine ou de Gaza, mais cela m’a déchiré le coeur. C’est une partie entre Vassily Ivantchouk, ex N° 2 mondial aux échecs et un streamer américain. Ivantchouk va tomber au temps, sa réaction est poignante. Pour les non joueurs, regardez juste à partir de 9mn30:

 

 

10) PROJETS

Je viens d’apprendre que l’espérance de vie en bonne santé à mon âge était de 75 ans, il me reste donc 10 ans en moyenne pour bien profiter de la vie. Une page va se tourner en septembre prochain avec la fin de mon mandat européen qui m’occupait et me passionnait depuis 2010. Je ne doute pas que d’autres projets se présenteront.

 

Sans contact et No-Reply, la communication des administrations en France

Sans contact et No-Reply, la communication des administrations en France

 

La montée des populismes et des radicalités sociales découle de nombreux facteurs. Chaque discipline a été sollicitée pour apporter sa contribution explicative. L’évolution économique, la montée des inégalités, l’emprise des réseaux sociaux, la recomposition politique, les nouvelles attentes sociales, les manœuvres de désinformation à l’échelle nationale ou dans un contexte de tension géopolitique, chaque explication apparaît pertinente, mais aucune ne semble décisive.

 

Si la diminution des services publics de proximité est désormais bien documentée dans ses conséquences sociales et politiques, nous prenons comme hypothèse de départ de notre réflexion que les modalités de communication utilisées par les services publics possèdent, elles aussi, une part de responsabilité non négligeable.

 

 

 

En dehors même de la disparition physique des services publics de proximité, c’est l’impossibilité ou l’extrême difficulté à entrer en relation qui pose problème. On peut imaginer que dans beaucoup de cas, en dehors bien sûr du problème aigu de la fracture numérique et des réelles difficultés de certaines catégories de la population avec le numérique, la disparition physique des services publics poserait moins de problèmes aux citoyens si ceux-ci avaient la faculté d’entrer en relation avec un interlocuteur capable de répondre à leurs attentes.

C’est pourtant là le point délicat. La disparition physique ne s’est pas accompagnée d’un développement relationnel, et la dématérialisation qui s’est opérée a entraîné une focalisation quasi exclusive de la relation sur des supports numériques totalement inadaptés pour répondre aux attentes.

 

 

 

La modernisation a pris la forme d’une réduction matérielle des entités et des possibilités de contact physique.
La relation à l’usager s’est transformée en une communication unilatérale et distanciée
La dématérialisation s’est modifiée en une ubérisation numérique des services, une plateformisation de l’action publique et une perte de la relation au citoyen.

Note publiée le 13/12/2024 par la Fondation Jean Jaurès

Communication des services publics: No Reply

Le roman national des marques

Raphaël Llorca est co-directeur de l’Observatoire « Marques, imaginaires de consommation et Politique » à la Fondation Jean Jaurès. Il s’est fait connaître en 2021 avec son ouvrage sur la marque Macron.

 

 

Avec son nouveau livre, fruit de cinq ans de travail, il nous présente le récit français à la lueur de ce qu’en disent les marques commerciales. Il tâche également d’analyser si ce discours de marques peut avoir une influence dans nos perceptions de la France et comment il s’inscrit dans le débat politique.

 

 

Le livre est très bien documenté et s’ouvre par les résultats d’un sondage montrant qu’à la question « Qui raconte le mieux la France ? » la première réponse est « personne » (34 %) devant les écrivains, et à celle « Qui raconte le mieux les Français », ce sont les humoristes (25 %). Réponse étonnante, à la question portant sur les acteurs qui représentent bien la France, les grandes entreprises de service public n’apparaissent dans aucun Top 5, « preuve assez stupéfiante de l’effacement de la SNCF, d’EDF et autres La Poste de l’imaginaire national » (p. 59).

 

 

Raphaël Llorca prend d’abord exemple sur les publicités américaines et notamment comment beaucoup d’entre elles ont pris position contre Trump, en particulier Ben & Jerry, Nike ou Gillette. Pour la France, il cite les campagnes Renault ou SNCF où, à chaque fois, les marques font un appel à l’unité nationale. Plus étonnamment, cette mise en valeur de la cohésion nationale se retrouve dans des campagnes d’entreprises étrangères comme Mc Donald’s, Toyota ou Nike.

Il montre aussi que certaines marques n’hésitent à s’engager contre une certaine idée réactionnaire (Disney) alors que d’autres en font un marqueur de leur identité (Le Puy du Fou).

L’ouvrage se termine avec un appel à un social consumérisme, c’est-à-dire « une vision de gauche écologiste sur la consommation ».

 

 

Au-delà du livre et de sa démonstration sur le rôle politique des marques que l’on peut rapprocher de la vision qu’avait développée Nicolas Baygert dans sa thèse sur « Le réenchantement du politique par la consommation » (2014), j’ai apprécié quelques punchlines :

 

– Communication partout, narration nulle part.
– Si les représentations reflètent la réalité sociale, elles la produisent tout autant.
– En France, on ne manque pas de compteurs pour faire la description statique et statistique de la France. En revanche, on manque cruellement de conteurs capables d’en proposer un récit moteur.
– Quand on affranchit son courrier dans un bureau de poste, la Marianne colorée est remplacée par une vignette générique, bardée de chiffres et d’un code barre.
– Les plates-formes de télévision ne diffusent plus au rythme d’un épisode par semaine, mais tout d’un bloc, occasionnant la naissance du binge watching.
– La consommation est une forme de communication, par laquelle l’individu se socialise en marquant son appartenance à un groupe culturel.
– Page 128, l’auteur cite la formule de Massimo d’Azeglio : « L’Italie est faite, il reste maintenant à faire les italiens. » Cela m’a fait penser qu’on pourrait dire aujourd’hui la même chose de l’Europe. L’Europe est faite, il reste à faire les européens.
– Un français sur deux se rend au moins une fois par mois dans un restaurant Mc Do.
– En 2022, l’usine Toyota de Valenciennes est devenue la première usine automobile de France.
Une bonne campagne politique, c’est une campagne qui fait émerger le problème dont vous êtes la solution (Gilles Finchelstein).
– Exemple de cadrage, la notion d’allègement fiscal sous-entend que l’impôt est une charge lourde.
– La moitié des français dispose d’un animal de compagnie.
Les marques, continuation de la politique par d’autres moyens.
– Eric Zemmour a continué de parler au citoyen, tandis que Marine Le Pen s’est adressé au consommateur (Philippe de Villiers).
Quand les français disent « Marine Le Pen, on ne l’a jamais essayée », ils témoignent bien d’un rapport consumériste à la politique (Denis Maillard).
– Le discours des marques doit être compris, analysé et interprété comme un authentique discours politique.

 

 

Un livre dans la tradition des réflexions de Bernard Cathelat et de Pascale Weil à la fin des années 80 sur ce que les imaginaires de communication commerciale disent de nos sociétés.

 

 

Il m’a été très utile dans mes réflexions sur le rôle de la publicité dans la transition écologique. Je recommande fortement.